Quand le couple start-up – capital-risque adopte des pratiques prédatrices
décorrelation des prix
Le 23 août 2023 à 15h48
9 min
Économie
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Dans un article du Journal of Corporation Law, les juristes Matthew Wansley et Samuel Weinstein décortiquent une pratique anti-compétitive utilisée à plusieurs reprises dans la Silicon Valley : les tarifications prédatrices.
Et si la recherche de capital-risque était une pratique prédatrice ? Dans une étude publiée en mai dans le Journal of Corporation Law, les chercheurs américains Matthew T. Wansley et Samuel N. Weinstein décortiquent les pratiques de certaines start-ups qui démarrent en s’appuyant sur le soutien du capital-risque.
Plus précisément, ils se penchent sur la manière dont ces sociétés emploient parfois une technique de tarification déloyale (ou prix prédateurs). La tactique « vise à supprimer la compétition » expliquent-ils dès l’introduction : en fixant un prix en dessous de ses propres coûts, l’acteur prédateur oblige la plupart de ses concurrents à fuir le marché. Une fois celle-ci évacuée, le prédateur fait grimper son prix « à un niveau supra-compétitif », rentre dans ses frais, voire récupère un pactole supplémentaire.
La Cour suprême américaine décrit de telles pratiques de tarification prédatrice comme « rarement pratiquées » et « rarement réussies », indiquent encore les auteurs en tête d’article. Depuis les années 1980, l’institution considère la loyauté comme le comportement standard des acteurs économiques. Mais pour Matthew Wansley et Samuel Weinstein, il existe bien un type d’entité qui « pense que fixer des prix abusifs vaut la peine d’être tenté et qu'elle peut être couronnée de succès » : les start-up financées par le capital-risque.
Quelle rentabilité pour un Lyft ou un Uber ?
Auprès d’Insider, Matthew Wansley raconte comment, en 2016, il a fait le tour des entreprises tech spécialisées dans les voitures autonomes et, plus largement, dans la mobilité, pour tenter de s’y faire embaucher comme avocat. Au fil des entretiens, sa perplexité n’a fait que grandir : pourquoi une entreprise de VTC comme Lyft était-elle capable de lui dire qu’ « évidemment, nous travaillons sur la conduite autonome », à défaut de quoi elle n’atteindrait jamais la rentabilité ?
Comment, dans ce cas, avait-elle fait pour convaincre General Motors et d’autres de lui verser un milliard de dollars d’investissement (somme qui allait grimper à près des 5 milliards de dollars avant son entrée en bourse de 2019) ? Quid des investisseurs qui avaient soutenu Uber ? Où était la logique dans le fait d'investir de l’argent dans un projet qui ne prévoyait pas d’atteindre l’équilibre, sans parler d’engranger des bénéfices ?
C’est à partir de ces questions que Matthew Wansley et son collègue Samuel Weinstein se sont lancés dans l’étude du fonctionnement de cette économie. Après tout, précisent-ils, cela faisait déjà plusieurs années que des économistes pointaient comment les entreprises de la tech subventionnent le coût de leurs produits, aidés par les cabinets de capital-risque, jusqu’à ce que leurs clients ne puissent plus s’en passer et qu’elles rentrent enfin dans leurs frais.
Amazon en est l’archétype, dont le fonctionnement a notamment été critiqué par la juriste américaine et désormais directrice de la Federal Trade Commission (FTC) locale Lina Khan, dans son article remarqué « Amazon’s Antitrust Paradox ». L’entreprise a proposé pendant des années des produits meilleur marché que chez ses concurrents, quitte à perdre de l’argent, tout en augmentant sa surface clientèle à des proportions jusque-là inégalées. Pareil pour Uber – rappelez-vous ces trajets si économiques, au début des années 2010.
Un tour par l’école de Chicago
Une fois la concurrence éloignée, l’entreprise peut remonter ses prix : on se retrouve alors dans un schéma parfait de pratique prédatrice. Théoriquement, celle-ci est illégale : c’est la démonstration de son usage qui a permis d’argumenter en faveur du démantèlement de monopoles comme celui de la Standard Oil, au début du XXe siècle.
Sauf que depuis les années 70, de nombreux économistes, notamment issus de l’école de Chicago, ont considéré qu’il serait irrationnel de recourir à des tarifications prédatrices dans un système capitaliste. Une rapide recherche fait ainsi remonter une série d’articles qualifiant le phénomène de « mythe » – les plus récents sont souvent publiés sur les sites d’organisations libertariennes.
Généralement, l’argumentaire mentionne au moins deux éléments : l’entreprise prédatrice perdrait plus d’argent que ses concurrents, parce qu’elle aurait de plus grandes parts de marché. Et une tarification prédatrice ne lui permettrait d’écarter les « proies », c’est-à-dire ses concurrents, que pendant un temps limité.
Dans les dernières décennies, les économistes qui ont pris la suite de l’école de Chicago ont démontré qu’il pouvait bien être rationnel d’adopter des tarifications prédatrices. Pour autant, cela n’a pas encore eu d’effet évident sur le système judiciaire américain, notamment faute d’exemples concrets d’entreprises appliquant ces logiques.
Start-up et capital risque main dans la main
En se penchant sur la manière dont start-ups de la tech et investisseurs interagissent, Matthew Wansley et Samuel Weinstein entendent précisément détailler des exemples tirés du monde réel.
Le capital-risque a un vrai poids dans l’industrie financière : aux États-Unis, il aurait représenté 233,9 milliards de dollars d’investissements en 2022, 90 milliards en Europe la même année. Une autre estimation chiffre à 540 milliards de dollars le nombre d’investissements versés par ce type de financiers à l’industrie de la tech dans le monde en 2022.
Tout investissement de ce type est loin d'être prédateur. Les juristes décrivent néanmoins un comportement problématique qu’ils ont observé à de plusieurs reprises dans la Silicon Valley et qui s’applique en trois étapes.
D’abord, des entreprises de capital-risque versent des milles et des cents à la société qui les intéresse – c’est elle qui devient la prédatrice. Grâce à cet argent, l’entreprise vend ses biens ou services à un prix largement sous-évalué, ce qui lui permet à la fois d’éliminer la concurrence et de récupérer rapidement des parts de marché.
Une fois que ladite société a obtenu une position dominante sur le marché, ses investisseurs revendent leurs parts aux capitaux risqueurs suivants, eux-mêmes convaincus que l’entreprise pourra récupérer sa mise au bout d’un moment grâce à la taille qu'elle a acquise.
Chaque type d’acteur a ses propres motivations, écrivent les juristes. « Les venture capitalists (VC) ont intérêt à financer la prédation parce que celle-ci peut fournir la croissance rapide et exponentielle que leur activité d’investissement exige. » Toutes les start-ups ne réussiront pas, mais celles qui parviendront à se détacher du lot leur permettront d’engranger les fonds suffisants pour rembourser tous les investissements qu’ils comptent dans leurs portefeuilles.
Les sociétés prédatrices, elles, tirent profit du secret des affaires : les fondateurs peuvent discuter ouvertement de leur stratégie avec leurs investisseurs et n’ont pas d’obligation de publier leurs structures de coût.
Surtout, les VC et le fondateur de l’entreprise peuvent tirer profit de leur entreprise de tarification prédatrice, y compris si l’entreprise ne récupère jamais les fonds perdus au moment de sa réduction de prix. « Il leur suffit de donner l'impression d'une rentabilité future pour pouvoir vendre leurs actions à un prix attractif », expliquent Matthew Wansley et Samuel Weinstein.
WeWork et Bird sur le même modèle
Uber, l’un des principaux exemples de leur démonstration, a réussi à amasser un total de 24 milliards de dollars de la part de différents investisseurs. Ni ses services, ni sa structure de coût n’étaient plus efficaces que ceux d’un autre service de transport. Simplement, les fonds leur ont permis de fournir un service de transport moins cher que les taxis existants, conduisant nombre de ces derniers à la banqueroute.
Et pour l’un de leurs premiers investisseurs, l’entreprise Benchmark, « Uber a été un succès retentissant ». Après avoir mené la levée de fonds de série A de l’entreprise, la société a engrangé un retour sur investissement de 5,8 milliards de dollars.
De quoi pousser d’autres acteurs à tenter de répliquer l’expérience : Matthew Wansley et Samuel Weinstein démontrent que WeWork et Bird (location de trottinettes et vélos électriques) ont suivi exactement la même logique. La série A de l’entreprise de coworking (qui a longuement utilisé l’aura de l’industrie technologique pour faire croire à son potentiel de succès, quand bien même son modèle était purement immobilier) avait, elle aussi, été organisée par Benchmark, lui permettant de lever 17,5 millions de dollars en 2012.
En 2019, elle avait réussi à amasser plus de 12 milliards de dollars. Et pour séduire la clientèle, elle faisait invariablement payer les locataires de ses espaces de coworking légèrement moins que la concurrence présente dans les villes où elle s’installait.
Si Uber pourrait nuancer la critique – l’entreprise a annoncé ses premiers profits à l’été 2023, quatorze ans après sa création –, WeWork est actuellement en bien mauvaise posture. Dans son rapport trimestriel publié le 8 août, l’entreprise a en effet évoqué l’existence d’un « doute substantiel sur la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités ».
Frein à l’innovation et coût social
La tarification prédatrice n’est pas une norme, indiquent Matthew Wansley et Samuel Weinstein. Néanmoins, c’est un système utilisé de manière suffisamment récurrente dans la tech pour nécessiter une alarme. Car la pratique à de véritables effets négatifs.
Les juristes estiment par exemple qu’en bloquant des fonds dans des pratiques anti-compétitives, elle freine l’innovation. Ces sommes pourraient en effet servir à des innovations plus utiles à la société.
Surtout, de telles pratiques prédatrices nuisent aux consommateurs : en faisant disparaître la concurrence, elle les prive de choix. Et en distordant les prix, elle finit potentiellement par leur proposer des services trop chers et/ou des produits et services de faible qualité.
Quand le couple start-up – capital-risque adopte des pratiques prédatrices
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Quelle rentabilité pour un Lyft ou un Uber ?
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Un tour par l’école de Chicago
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Start-up et capital risque main dans la main
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WeWork et Bird sur le même modèle
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Frein à l’innovation et coût social
Commentaires (49)
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Abonnez-vousLe 23/08/2023 à 16h35
Houuu un article sur l’économie !! Merci Mathilde!
Le 23/08/2023 à 16h57
Agréablement surpris par un article plus orienté business, bien que l’angle d’attaque reste le même.
Typiquement sur cet extrait, on romance quelque peu ce qu’il s’est passé en défaveur des méchants techs “prédateurs”. Si l’un des principaux marchés d’Uber est la France, c’est bien que le modèle des taxis n’était plus adapté.
Le 24/08/2023 à 06h22
Bonjour,
C’est un résumé de ce qu’expliquent les auteurs de l’étude.
Cf par exemple p. 32
“Uber put its cash to use in below-cost pricing. Like all platform companies,
Uber needed to solve the chicken-and-egg problem. It needed more drivers
to attract riders (by reducing time spent waiting for a ride) and more riders to
attract drivers (by reducing time spent driving without a fare-paying rider).
Uber solved this problem by subsidizing both sides of the transaction. It paid
drivers bonuses for reaching a certain number of rides or days on the net-
work. At the same time, it cut the price that consumers paid for a ride and
offered free trips. Mike Isaac, who covered Uber for The New York Times,
recalled: “People loved how shockingly cheap the (subsidized) rides were.”
These subsidies were only possible, he explained, because Uber had raised a
“war chest” from its VCs.”
et dans les pages suivantes.
Le 23/08/2023 à 19h08
L’époque de la Startup Nation, d’UberPop…
Le 23/08/2023 à 19h16
Super intéressant, merci bcp pr cet article 👍
Le 23/08/2023 à 19h41
Merci pour cet article.
Le 23/08/2023 à 20h04
Euh… C’est quoi le “capital-risque” ? Google va sûrement me donner la réponse mais ça aurait été bien de donner une définition de ce terme dans un article peu courant sur NextINpact (bien que très intéressant).
Le 24/08/2023 à 06h25
Ah bien vu ! C’est une branche de la finance qui consiste spécifiquement à investir dans de jeunes entreprises innovantes (pratique plus risquée, donc, que dans des entités installées/qui ont fait leurs preuves).
Le 24/08/2023 à 19h20
Merci, c’est un résumé plus clair que ce que j’ai pu trouver :)
Le 23/08/2023 à 23h50
Article très intéressant !
Le 24/08/2023 à 00h59
On observe la même chose avec la privatisation de marchés, comme ça a été le cas avec les “bus Macron” et comme ça sera surement le cas avec la privatisation du train :
Au début, plusieurs entreprises se font la guerre avec des prix très très attractifs, puis petit à petits certaines coulent ou sont rachetés par les autres, au final il reste un oligopole ou un monopole et des tarifs très chers pour un mauvais service
Une excellente vidéo sur le sujet : YouTube
Le 24/08/2023 à 01h34
Concernant le train, ça va plutôt fonctionner sur le mode de la fibre optique avec les appels à candidature zones AMI, les zones RIP, et seulement les zones très denses soumises à concurrence de plusieurs opérateurs-réseau sur les mêmes lignes.
Une vidéo de la chaîne YT Clé de Berne : Concurrence SNCF : TGV, TER, Intercités, Transilien
Le 24/08/2023 à 06h23
Quand des géants comme Amazon vendent pendant des années à perte pour tuer la concurrence, c’est déloyal et cela devrait être interdit. Merci au glacier d’avoir compensé les pertes du secteur vente de produits.
Sony avait fait la même pour tuer Sega et Nintendo : plus de 10 ans de vente à perte de leur secteur jeux vidéos compensé par leurs autres activités.
Le 24/08/2023 à 06h50
Article très intéressant, merci
Le 24/08/2023 à 07h08
Hmm… je dirais que c’est la tactique de base utilisée par tout le monde et dans tous les domaines dés lors que le marché est concurrentiel, depuis les états jusqu’au entreprises du mass market en passant par les plateformes numériques.
Que ca soit également utilisée par des start-up ne m’étonne guère.
Le 24/08/2023 à 07h25
+1
Merci pour cet article mais je ne vois pas en quoi cet étude diffère des autres parus depuis les années 2000 chez pas mal d’économistes.
D’ailleurs dans ce papier autant je suis d’accord pour des sociétés comme Uber, Wework ou Bird
(on pourrait aussi rajouter Twitter) pour Amazon je serais beaucoup plus nuancé car contrairement aux autres eux ils gagnent de l’argent alors que les autres vivent artificiellement sur l’argent injecté dedans.
Le 24/08/2023 à 08h39
Si j’en crois ce site Amazon a perdu pas loin de 3 Milliards en 7 ans avant de dégager un bénéfice.
Et je pense qu’une des raisons pour les bénéfices après 2006 était la division cloud (Amazon Web services).
Limiter le nombre de licences ça permet d’éviter une trop forte concurrence qui pourrait avoir un effet néfaste sur le citoyen (plus de taxis = plus de circulation).
Ça permet aussi d’artificiellement réduire la concurrence pour s’assurer que le conducteur puisse vivre de son métier.
Et il ne faut pas oublier que les taxis ont des droits en plus (places réservées à l’aéroport, …), donc il fallait éviter de trop saturer le marché.
Ce n’était pas parfait (peut être un peu trop à l’avantage des chauffeurs), mais je ne pense pas que c’était une mauvaise idée (je pense que les chauffeurs Uber gagnent moins que les Chauffeurs de taxi pro).
Et de mémoire les villes avaient déjà pris des mesures en place pour que les nouvelles licences ne puissent pas être vendues.
Le 24/08/2023 à 08h41
Ah j’aurais pensé que le nombre de taxi se serait régulé de lui même, le metier devenant de moins en moins attractif au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de taxi.
Comment cela se passe ailleurs, dans d’autres pays ?
Le 24/08/2023 à 08h55
De mémoire c’est la même chose. A Bruxelles en tout cas c’était comme ça.
On était aussi sur un système hérité du passé. Uber a par exemple apporté la notation du chauffeur ce qui permettait de limiter les mauvais conducteurs.
Avant internet ça aurait été impossible, donc la sélection des taxis aurait certainement été sur d’autres critères.
Je suppose que le prix était également régulé, donc pas de possibilité de faire concurrence sur ce segment (de toutes façons difficile de dire que c’est trop cher une fois dans le taxi).
Si il n’y a pas de concurrence sur la qualité du service et le prix, il ne reste plus que le nombre de courses, ce qui n’aurait pas été à l’avantage du client (et des chauffeurs).
Ce qui aurait du se passer c’est la mise en place d’un système à la Uber pour les taxis. Une app gouvernementale qui aurait permis un retour sur les chauffeurs pour créer une concurrence.
Mais vu qu’on était sur un système en place avec des chauffeurs établis ça aurait été difficile voir impossible de faire bouger les choses.
Quand Uber est arrivé c’était pas jolis (chauffeurs Uber agressés par des chauffeurs de Taxi).
(donc oui, uber n’est pas arrivé que par des pratiques prédatrices, il y avait quand même un manque d’évolution du domaine).
Je ne sais pas trop comment ça fonctionne maintenant et je ne sais pas si un chauffeur Uber gagne sa vie “normalement” si il travaille à temps plein, mais les taxis ne sont pas morts, donc je suppose que le marché s’est équilibré.
Je ne suis pas très précis car je travaille de mémoire de ce qui se disait dans la presse à l’époque de l’arrivée d’Uber.
Le 24/08/2023 à 08h25
Non, pas exactement.
Il faut vraiment distinguer les calculs de marges/gains d’une entreprise seule, avec ses capitaux propres (en millions généralement pour les plus grosses) à ces investissements à coup de dizaines voire centaines de milliards de dollars sur une période très courte (10 ans à l’échelle d’une entreprise, c’est court).
Comme l’étude/l’article le démontre, cela apporte une capacité financière tellement importante qu’il faut une société avec les mêmes soutiens financiers pour lutter.
Les concurrents qui ne bénéficieraient pas de VC fonctionnent avec des banques qui sont très loin d’apporter un tel soutien.
Il ne faut pas se faire d’illusions : pour qu’un concurrent apparaisse face à la boutique en ligne Amazon, il lui faudrait un investissement tel qu’il ne peut plus exister.
La seule chose qui peut faire tomber Amazon, c’est la désertification de ses clients.
Et comme les prix sont tirés vers le bas pour avoir le “moins cher du moins cher du moins cher” avec des algo qui alignent les prix sur le prix le plus bas des concurrents … cela tue la concurrence.
Les clients ne partiront pas.
Le 24/08/2023 à 07h31
Sauf que là c’est plus que massif, on se parle pas de pas prendre en compte ses investissements initiaux dans son calcul de prix de vente car l’acquisition de matériel, les développements, etc. ça s’amorti dans le temps sur le bilan comptable, où l’investissement sert juste à garantir la trésorerie au début.
On se parle d’un service qui, au coût auquel il est lancé, ne pourra jamais gagner d’argent. Sauf à monter ses prix quand il aura tué la concurrence.
Amazon Prime en est l’illustration parfaite, des services à gogo pour un prix dérisoire (shopping, vidéo, gaming, stockage photos illimité…), et qui pousse les vendeurs à vendre sur Amazon et les consommateurs à acheter dessus aussi. Maintenant que ça a bien pris, ils ont augmenté un peu le prix du service, ils serrent la vis sur les frais des vendeurs qui expédient eux-mêmes… Et c’est pas fini.
A ma connaissance ça a été aussi le schéma de tous les réseaux sociaux modernes, dont certains n’avaient même pas de modèle économique à leur début…
Le 24/08/2023 à 09h17
Pas certain qu’on puisse considérer Amazon Prime comme un bon exemple, dans le sens où l’entreprise n’a pas cassé ses prix dans le but exclusif d’éliminer la concurrence.
Pour moi, elle a surtout cassé ses prix pour attirer des clients qui ne faisaient pas du tout d’achat VPC en ligne. Donc c’est plutôt pour créer/doper le marché.
Le 24/08/2023 à 13h12
C’est une entreprise qui vendait des livres sur internet et qui a cassé les prix pour lutter contre les librairies physiques.
Puis qui s’est mit à vendre tout et n’importe quoi, idéalement aux prix les plus bas (jouet, hightech, informatique, livres, multimédia, …).
C’est clairement un comportement composé, mix entre la grande surface qui veut proposer plein de produits pour lutter contre les magasins de centre-ville + magasin virtuel donc prix plus faibles (pas de loyer de magasin à payer, pas de déco, moins de salariés par l’automatisation importante).
Là où c’est réellement problématique pour moi c’est les milliards investis pour concurrencer toute la planète.
Aucune autre boite déjà installée n’avait les reins assez solides pour se développer à l’international aussi rapidement et en cassant les prix.
Amazon existe depuis tellement longtemps qu’on arrive à cette simplification grotesque “le magasin en ligne = amazon”, tout comme “internet = google”.
ça a créé une situation de monopole. c’est interdit
Le 24/08/2023 à 14h12
Tu as des exemple de réseaux sociaux qui ont commencé avec un modèle économique ? Tous ceux dont je me souviens c’était “on fait ce qu’on peut pour attirer des utilisateurs, ensuite on verra ce qu’on fait avec” (pub évidemment, mais comment ?)
Le 24/08/2023 à 07h36
Comme boite avec des pratiques prédatrices, il y a actuellement la lutte pour le marché des vélos électrique connecté.
VanMoof s’est enfin vautré (chaque vélo leur coûtait de l’argent). Mais Cowboy est toujours en course avec des milliards d’injecté non stop dans la boite, alors qu’il n’y a pas de rentabilité réaliste prévue.
(Et les fondateurs avaient fait pareil sur le marché des livraisons de repas avant avec Take It Easy)
Le soucis des taxi est toujours bien présent malgré la présence d’Uber.
Quand Uber est arrivé, certains ont proposé d’augmenter le nombre de licence de taxi pour compenser.
Mais les détenteurs actuels de licences (donné gratuitement par le gouvernement) ne veulent pas de nouvelles licences car ça réduirait la valeur financière qu’ils ont donné a leur licence grâce à la demande.
Et c’est pareil en Italie, où ils viennent de menacer de bloquer les villes.
Le 24/08/2023 à 07h53
Il me semble que Sony vend ses consoles à perte mais se rattrape sur la franchise qu’il prend sur la vente de JV (20% plus chers que leur équivalent PC)
Tu t’appuies sur quoi pour cette affirmation ? Il me semble que la majorité des détenteurs de licences l’ont payé au prix fort en la rachetant à un Taxi à la retraite.
Le 25/08/2023 à 13h15
Oui, mais pendant au moins 10 ans, l’activité JV a été déficitaire, tout produit confondus…
Ce que j’ai retrouvé :
2013
https://www.gameblog.fr/jeu-video/ed/news/sony-de-bons-resultats-sauf-pour-le-jeu-video-34181
2007
https://www.jeuxactu.com/sony-la-division-jeux-en-difficult-26224.htm
Le 24/08/2023 à 08h03
Oui, les licences d’avant 2014 se revendent car ça prend trèèès longtemps pour en avoir une de manière normale (gratuite).
Tu te doute bien qu’au lieu qu’un petit nouveau aie une plaque gratuite, ils préfèrent lui revendre la leur a 220 000€ (qu’ils ont eut même acheté 5000€ au début de leur carrière)
https://www.leparisien.fr/economie/video-profession-taxi-tout-savoir-sur-les-licences-13-02-2014-3586825.php
Il y a aussi ce vieil article de liberation https://www.liberation.fr/futurs/1995/04/24/taxis-histoire-d-une-sous-proletarisation-a-la-g7-700-voitures-6-chauffeurs-salaries-tous-les-autres_129364/
Le 24/08/2023 à 08h20
C’est bizarre que ce soit autoriser de vendre sa licence, surtout à des prix pareils.
Et pourquoi le nombre de licence est limité ? Quel intérêt de limiter le nombre de taxi ?
Le 24/08/2023 à 08h25
C’est le principe même de la vente d’un commerce, tu le vends au prix du fond de commerce
Donc les détenteurs de licence (pour leur grande majorité) ne les ont pas obtenues gratuitement du gouvernement comme tu l’affirmais précédemment.
Le 24/08/2023 à 08h38
Ah oui, c’est considéré comme un fond de commerce, c’est bizarre quand même, je ne comprend pas l’intérêt de cette licence.
Autant passer un “permis” pour avoir le droit d’être un taxi ok, mais acheter le droit d’être taxi, je comprends pas trop.
Le 24/08/2023 à 08h57
Loi Pasqua en 2014
Les chauffeurs de de taxi l’ont décoré Chauffeur d’Or peu après. La cérémonie était visible dans un Capital de M6. Mais je ne sais pas comment le retrouver.
Le 24/08/2023 à 09h01
Ils ont choisis de l’acheter a un personne qui l’avait reçue gratuitement du gouvernement.
Et donc ils essayent de la revendre avec si possible une plus-value, donc ils ont un intérêt a maintenir artificiellement cette rareté
Le 24/08/2023 à 09h03
Tu oublies un léger détail, ce n’est pas 5000 € d’aujourd’hui mais 35 000 FRF en 1974. Et ce n’était pas une petite somme à l’époque.
Le 24/08/2023 à 10h26
Je ne crois absolument pas que le but était de convertir à l’achat en ligne, en tout cas pas sur les publics réticents. C’est surtout une incitation à favoriser l’online pour des trucs que t’achetais en physique avant en pouvant passer commande pour une simple brosse à dent, puisque la livraison est gratuite et que tu l’as le lendemain (voire le jour même) dans ta boite aux lettres.
Dans tous les cas, c’est pas du tout ce qu’il s’est passé, la réalité c’est que ça a surtout vampirisé le e-commerce et poussé les vendeurs à utiliser le marketplace Amazon plutôt que leur propre plateforme, poussant leurs propres clients à utiliser Amazon au lieu des plateformes indépendantes 🔄️
Tout comme le nerf de la guerre du e-commerce a été d’être premier sur Google, il devient d’être bien positionné dans les résultats d’Amazon, là où les clients vont chercher en priorité. Sauf que Google ne prenait pas sa commission sur chaque vente (mais se gêne pas pour autoriser ton concurrent à acheter le mot-clé de ta marque déposée pour recruter en campagne AdWords).
Le 24/08/2023 à 12h19
Selon Cory Doctorow, cela va même plus loin que l’augmentation des tarifs pour le public désormais captif : on va réduire la qualité du service, ne serait-ce qu’en diminuant drastiquement l’investissement.
Mais l’entreprise a désormais suffisamment d’assise pour emprunter à des banques. Les fondateurs et investisseurs peuvent ainsi être remboursés via la vente de l’entreprise à elle-même. (Elle peut même risquer la faillite, mais les fondateurs et investisseurs s’en foutent.)
Doctorrow appelle ça enshittification (traduit en merdification par Ploum).
Le 24/08/2023 à 13h30
C’est intéressant. Ça me fait penser que jusqu’aux années 1990, on pratiquait la politique de la demande : il fallait augmenter les salaires pour augmenter la consommation qui permettait de produire plus pour faire baisser les prix unitaires et augmenter les salaires. L’inflation était un peu contenue par l’augmentation de la production et l’investissement servait à assurer l’augmentation de la consommation (il fallait équiper les ménages comme avec le New Deal des années 1930).
Depuis les années 1990, c’est la globalisation de l’économie et la politique de l’offre : il faut vendre le moins cher possible, donc baisser les salaires pour vendre au meilleur prix et limiter l’inflation. L’investissement sert à augmenter la production pour faire baisser les prix unitaires.
Autrement-dit, on a totalement oublié le consommateur dans le processus d’investissement. Dans une politique de l’offre, l’investissement ne sert qu’à produire plus et à vendre moins cher. Dans mon expérience perso, je suis consterné de constater le décalage entre les promesses d’un produit/service et la réalité. La politique de la demande ne permettait pas forcément de vendre des produits utiles, mais il était inconcevable que le consommateur tombe sur une panne ou un service non-rendu.
Tout ce qu’on achète aujourd’hui me fait penser aux attractions des fêtes foraines où on gagne des lots qui n’ont aucune valeur et où le jeu est truqué avec des lumières et des couleurs partout pour en mettre plein la vue
Le 24/08/2023 à 12h56
Article intéressant. Merci. Je crois que l’on pourrait enchainer sur les pratiques de LBO ensuite :-)
Le 24/08/2023 à 13h22
Merci pour l’article, très intéressant ☺️
Le 24/08/2023 à 13h43
D’ailleurs maintenant on a l’inflation qui va mettre un coup d’arrêt à la consommation et annuler tous les efforts de la politique de l’offre : produire avec de l’inflation tout en réduisant les salaires est comme courir avec un sac trop lourd.
Le 24/08/2023 à 15h10
Aucune autre boîte déjà installée qui avait les reins assez solides (Wallmart, Carrefour, CostCo … purement dans le retail) n’a voulu essayer de se développer et surtout de casser les prix (de revente uniquement, parce que les prix d’achats sont déjà bien cassés :])
Le fait qu’Amazon soit perçu comme en “monopole” partout illustre bien que personne n’a voulu aller se frotter à eux pendant des années parce que
oulalala les internets c’est compliquéle marché global sur internet était insignifiant au regard de leur marché historique, et ont refusé d’investir en temps et en heures.Le 24/08/2023 à 16h50
Article très intéressant, merci. Et les débats dans les commentaires le sont aussi.
Bon ça donne envie de boycotter toutes ces grosses boites tout ça
Le 24/08/2023 à 17h03
merci ! :)
Le 24/08/2023 à 17h42
A propos d’Amazon, les investisseurs lui ont bien permis de rester à flot pendant de nombreuses années. Le temps de rétamer la concurrence.
Ensuite, selon les années, la division marchande était plus ou moins rentable, avec AWS et la pub qui compensaient. Même en 2022 la division marchande était déficitaire!
Le 24/08/2023 à 19h06
Amazon et Google sont en position dominante, pas en monopole. Un monopole c’est un acteur unique sur un marché.
Le monopole n’est pas interdit.
Au même titre que la position dominante.
Ce qui est interdit, c’est d’abuser de se position dominante.
Le 25/08/2023 à 07h19
En gros, ça correspond à la première partie de ce célèbre sketch des Guignols. :)
Le 25/08/2023 à 11h55
Même si ce type de comportement est clairement déloyal et quasi illégal, ha non en fait illégal (vendre à perte), un des gros “problèmes” de la méthode, c’est qu’il faut une grosse tirelire derrière et pouvoir tenir à brûler du cash dans des quantités “faramineuses” le temps que les autres concurrents soient cannés et tous entre 4 (6?) planches de sapinette au cimetière…
Pas donné à tout le monde à moins d’avoir un gros et riche “donateur” qui crache derrière et qui y croit vraiment dur…
Le 25/08/2023 à 12h51
C’est revendre à perte qui est illégal.
Le 30/08/2023 à 01h06
Excellente synthèse de ce pourquoi Amazon & Uber ont toujours été détestables !
J’espère que personne n’a rien découvert à leur sujet, sinon ça en serait inquiétant.
Voilà, en substance ce qu’il y a derrière le néologisme “Uberisation” : prédation des clients, destruction des concurrents, exploitation des travailleurs.
Amazon non-rentable, c’est un secret de polichinel depuis leurs débuts. C’est AWS qui abreuve les autres projets.
M$ tente aujourd’hui de concurrencer AWS, mais est arrivé 10 ans après. On peut remarquer qu’Azure tente de grappiller des parts via sa tarification, mais il ne faut alors pas regarder la qualité du service rendu. Que vive l’auto-hébergement !