IN2P3 (CNRS) : 50 ans de physique des « deux infinis »
Des questions, toujours pas de réponses…
Le 14 avril 2021 à 15h13
8 min
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L’IN2P3 est un institut du CNRS qui se présente comme celui « de tous les extrêmes » ; il fête fête aujourd’hui son 50e anniversaire. Ses chercheurs sont impliqués dans de nombreuses découvertes, allant du boson de Higgs aux ondes gravitationnelles, en passant par la mesure de l’accélération de l’expansion de l’Univers.
En 2020, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) fêtait ses 80 ans. Cet organisme public comprend près de 32 000 personnes, 1 400 startups et revendique 50 000 publications scientifiques par an. Au sein de sa direction scientifique (DGDS), on trouve dix instituts couvrant « des champs disciplinaires plus ou moins étendus ».
Il s’agit de « structures de mise en œuvre de la politique scientifique de l’établissement qui animent et coordonnent l’action des laboratoires ». Aujourd’hui, l’un d’entre eux, l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules – aussi connu sous l’acronyme IN2P3 –, fête le 50e anniversaire de sa création.
C’est en effet le 14 avril 1971 que le Premier ministre de l’époque, Jacques Chaban-Delmas (Georges Pompidou était alors président de la République), signait un décret (à partir de la page 8) « portant création d’un Institut national de physique nucléaire et de physique des particules ». L’ultime étape d’un long chemin de croix d’une dizaine d’années.
Création de l’IN2P3 et bisbille entre le CNRS et le CEA
Le CNRS explique que cet institut ne s’est pas implanté « sur une terre en friche », il était « dépositaire d’une longue tradition, qui a commencé à s’écrire au soir du XIXe siècle, autour des travaux sur la radioactivité et sur l’atome ». Il s’appuyait également sur des « avancées déterminantes à partir des années 1930, avec d’une part les découvertes successives du neutron, de la radioactivité artificielle et de la fission, et d’autre part l’étude des rayons cosmiques ».
Dans les années 50, un saut d’échelle intervient avec le lancement de grands projets d’envergure nationale, de plus en plus internationale. On peut citer la création de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) en 1954. Les recherches mobilisaient alors « des dizaines, bientôt des centaines de scientifiques, et requièr[aient] des instruments colossaux ». En France, l’IN2P3 était « l’outil conçu pour accompagner cette évolution ».
S'il a été officiellement créé en 1971, l’idée ce cet institut remonte à dix ans en arrière, sous l’impulsion d’André Blanc-Lapierre, le directeur de l’accélérateur linéaire d’Orsay. « Les débats ont été intenses, et parfois houleux, au fil de ces dix années. Envisagé dès le départ comme un "institut national du Centre national de la recherche scientifique", mais doté d’une forte autonomie, l’IN2P3 a suscité des craintes au CNRS : n’allait-on pas créer – oh le mauvais procès que voilà ! – une baronnie au sein même de notre organisme ? », se souvient le Centre.
Toujours selon le Centre National de la Recherche Scientifique, ce n’était pas la seule problématique : l’obstacle le « plus coriace » était en effet extérieur au CNRS, il s’agissait en l’occurrence du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) crée en 1945. Il n’aurait à l’époque « pas montré un enthousiasme débordant, c’est peu de le dire, face à l’émergence d’un nouvel acteur sur le terrain de la recherche nucléaire ».
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Cette histoire est en fait cocasse à plus d’un titre. Entre 1951 et 1970, le haut-commissaire du CEA – qui ne voyait donc pas d’un bon œil la création de l’IN2P3 au CNRS – était Francis Perrin… le fils de Jean Perrin (prix Nobel de physique 1926) qui était un des architectes à l’origine de la création du CNRS.
« Fort heureusement, passées ces premières réticences, les relations de l’IN2P3 et du CEA n’ont plus été ensuite, comme chacun sait, qu’une longue et belle histoire d’amour... », ajoute le CNRS.
Essayer de répondre à trois grandes questions
Aujourd’hui encore, l’IN2P3 est impliqué dans « les plus grandes expériences de physique des deux infinis [grand et petit, ndlr] actuellement en cours ou en développement à travers le monde ». Ses chercheurs apportent leurs contributions afin d’essayer de répondre à trois grandes questions fondamentales que se posent les scientifiques à travers le monde (non, la réponse n’est pas 42) :
- Quels sont les constituants fondamentaux du monde subatomique et quelles forces les régissent ?
- Comment se structure la matière nucléaire ?
- De quoi est fait l’Univers et comment évolue-t-il ?
À l’occasion de cet anniversaire, le CNRS a publié un long article intitulé « Vers un nouveau continent de la physique ? ». Il n’est pas axé sur l’IN2P3 en particulier, mais revient sur la physique des particules (au sens large du terme) qui est « à un tournant de son histoire » car nous avons :
« D’un côté, le modèle standard (MS), l’édifice théorique qui décrit les particules élémentaires et les interactions qui constituent la matière en une poignée d’équations, et qui a vu ses prédictions vérifiées les unes après les autres avec un luxe de détails inouï. De l’autre, des physiciens convaincus que cette extraordinaire construction formelle ne peut constituer l’ultime théorie de la matière.
En effet, dès l’élaboration du modèle standard, dans les années 1970, ils ont compris que celui-ci souffrait d’importants problèmes de cohérence interne et qu’il contenait un trop grand nombre de paramètres fixés arbitrairement ».
On peut notamment citer la masse des neutrinos – « des particules élusives dans lesquelles baigne l’Univers » –que le modèle standard ne peut pas expliquer pour le moment.
Il y a également la question de la matière et de l’énergie noire : « les cosmologistes ont montré que 95 % de l’énergie totale contenue dans l’Univers échappe totalement aux mécanismes et entités décrits par la théorie ». Signalons aussi « le mystère de l’antimatière que l’on devrait observer dans les mêmes quantités que la matière, mais dont on ne détecte que des traces ».
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Dernier problème et pas des moindres : « l’incompatibilité formelle radicale entre la théorie quantique des particules avec la théorie einsteinienne de la gravitation, laissant apparaître un fossé théorique problématique entre les descriptions de l’infiniment grand et de l’infiniment petit ».
C’est pour cela que les scientifiques parlent souvent des « deux infinis »… qu’ils aimeraient réunir avec une théorie du tout. Si le sujet vous intéresse, on ne peut que vous recommander de lire cet article du Journal du CNRS. À l’occasion du cinquantenaire, des « événements spéciaux » sont organisés partout en France.
Le prochain se déroulera à Palaiseau le 19 mai, puis à Strasbourg le 25 mai, à Marseille les 1er et 4 juin, Grenoble le 9 juin, etc. Le dernier prendra place à Toulouse le 5 octobre. Le replay d’une conférence de plus de 2 h diffusée cet après-midi est disponible sur Twitch.
Représenter la France, un budget de 300 millions d’euros
Aujourd’hui encore, l’IN2P3 joue un rôle important sur l’échiquier mondial puisqu’il représente la France « dans des comités et instances de concertation et coordination européens ou internationaux ». Le CNRS en cite quelques exemples aux acronymes barbares : APPEC et APIF pour les astroparticules, ECFA, FALC et ICFA pour les futurs accélérateurs, EGI et EU-T0 pour le calcul et les données ainsi que NuPPEC pour la physique nucléaire.
Sur le territoire national, l’IN2P3 travaille évidemment en « étroite collaboration » avec les neuf autres instituts du CNRS, mais aussi avec des « concurrents » tels que le CEA, l’IRSN, l’INSERM et le CNES pour ne citer qu’eux.
En août 2018, l’IN2P3 revendiquait « 1 000 chercheurs et chercheuses dont 600 CNRS et 400 enseignants-chercheurs », 1 500 autres personnels permanents (dont 600 ingénieurs de recherche), 700 chercheurs sous contrat (dont 400 doctorants). L’IN2P3 était alors impliqué dans 50 projets de recherche collaboratifs internationaux et revendiquait 15 startups en activité.
Pour 2019, le budget annuel de l’institut était d’environ 300 millions d’euros, dont près de 230 millions pour les salaires, personnels universitaires compris. Sur les 70 millions d’euros restants, 10 millions vont aux projets scientifiques et 20 millions aux fonctionnement, construction et exploitation des grandes infrastructures de recherche (Centre de calcul, GANIL, LHC, Virgo…). De plus amples détails sont disponibles dans ce document.
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