Étoile Bételgeuse : le mystère de sa luminosité changeante résolu
Bulletin météo : avis de ciel poussiéreux
Le 16 juin 2021 à 15h00
5 min
Sciences et espace
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Les scientifiques ont résolu le mystère de « l’important déclin » de l’étoile Bételgeuse. Contrairement à ce que pensaient certains, ce n’était pas un signe précoce de son ultime explosion en supernova, mais simplement la présence… d’un nuage de poussière devant l’étoile.
En février 2020, l’étoile Bételgeuse faisait couler beaucoup d’encre et déchainait même les passions de certains. Cette supergéante rouge se trouve pour rappel dans la constellation d’Orion, à plusieurs centaines d’années-lumière de la Terre. Elle est environ un millier de fois plus grosse que notre Soleil, mais avec une masse quinze fois plus importante « seulement ».
La supergéante rouge qui se prenait (pas) pour une Supernova
Comme nous l’expliquions alors, la supergéante rouge est l’un des derniers stades de l’évolution d’une étoile massive, avant la supernova : « Pendant une brève période de son existence, l’étoile augmente considérablement en taille, et devient extrêmement brillante. Elle perd alors une quantité considérable de matière dans l’espace (environ la masse du Soleil en 10 000 ans seulement) ».
L’importante baisse de sa luminosité de l‘année dernière était associée à d’autres changements : « Le disque de l’étoile apparaît beaucoup plus irrégulier et asymétrique que dans son état habituel ». Il n’en fallait pas plus pour lancer la machine médiatique sur une hypothétique explosion en supernova. Un tel phénomène serait exceptionnel, car la dernière supernova a été observée depuis notre galaxie au XVIIe siècle, rappelle l’European Southern Observatory (ESO).
L’Observatoire de Paris était rapidement intervenu pour calmer les esprits : « les chercheurs pensent que la probabilité d’une explosion prochaine est très faible ». Deux scénarios étaient à l’étude : un refroidissement ou des poussières autour de l’étoile. L’une de ces deux pistes était finalement la bonne.
Tout ça pour de la « poussière d’étoile »
« Quand j’ai vu [cette histoire] d’explosion de supernova , ma première réaction a été : "mais pourquoi les gens disent ça, que ce soit des chercheurs ou le grand public" […] Est-ce qu’il y a quelque chose qui m’échappe ? », se demandait à l’époque l’astronome Miguel Montargès. Il n’y a « rien dans toutes les supernovas qu’on a vues (pas dans cette galaxie, mais dans d’autres) qui indique qu’on a cette variation de luminosité en lumière visible avant la supernova ». Bételgeuse ne le contredira pas.
Après les mesures de février, le centre de recherche a continué de surveiller de près l’étoile. Les scientifiques rappellent qu’un relevé de mars 2020 indiquait qu’elle était moins lumineuse, mais toujours aussi chaude. En avril 2020 par contre, elle « avait retrouvé sa luminosité normale ». Restait à expliquer cette situation.
Dans une nouvelle étude scientifique publiée aujourd’hui dans Nature, le voile se lève enfin sur ce mystère : « l'équipe a révélé que le mystérieux déclin était dû à un voile de poussière qui cachait l'étoile et qui, pour sa part, était le résultat d'une baisse de température de la surface de Bételgeuse ». Cerise sur le gâteau, l’origine des poussières est connue.
La surface de Bételgeuse avant et pendant sa grande diminution d'intensité lumineuse - Crédits : ESO
D’une bulle de gaz à un emballement médiatique
L’ESO explique en effet que la surface de Bételgeuse est agitée, avec des bulles de gaz géantes qui « se déplacent, rétrécissent et gonflent au sein de l'étoile ». Les scientifiques sont arrivés à la conclusion « que quelques temps avant cette grande diminution de luminosité, l'étoile a éjecté une grosse bulle de gaz qui s'est éloignée d'elle. Lorsqu'une partie de la surface s'est refroidie peu après, la baisse de température a été suffisante pour que le gaz se condense en poussière solide ».
« Nous avons assisté en direct à la formation de ce que l'on appelle la poussière d'étoile », explique Miguel Montargès, un des auteurs de la publication dans Nature. Emily Cannon, qui a également signé l’article, ajoute que « la poussière expulsée des étoiles froides en fin de vie, comme celle dont nous venons d'être témoins, pourrait constituer les briques élémentaires des planètes telluriques et de la vie ».
Pour ceux qui auraient encore des doutes, l’European Southern Observatory en rajoute une couche : « cette nouvelle recherche confirme que la grande diminution de luminosité de Bételgeuse n'était pas un signe précoce que l'étoile se dirigeait vers son ultime explosion ».
Bételgeuse reste intéressante et utile à analyser
C’est donc le clap de fin pour les spéculations autour de Bételgeuse, mais pas la fin de l’intérêt porté à l'étoile. Les observations vont continuer et les scientifiques espèrent que les prochains instruments permettront d’en apprendre davantage : « Grâce à sa capacité à atteindre des résolutions spatiales inégalées, l'Extremely Large Telescope (ELT) nous permettra d'imager directement Bételgeuse avec des détails remarquables », se réjouit Emily Cannon.
Ce n’est pas le seul objectif de l’ELT : il « élargira également de manière significative l'échantillon de supergéantes rouges dont nous pouvons étudier la surface par imagerie directe, ce qui nous aidera à percer les mystères qui se cachent derrière les vents de ces étoiles massives ».
Étoile Bételgeuse : le mystère de sa luminosité changeante résolu
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La supergéante rouge qui se prenait (pas) pour une Supernova
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Tout ça pour de la « poussière d’étoile »
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D’une bulle de gaz à un emballement médiatique
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Bételgeuse reste intéressante et utile à analyser
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 16/06/2021 à 15h38
La résolution est quand même impressionnante. Je me demande le temps d’exposition pour pouvoir visualiser ça.
Le 16/06/2021 à 18h36
Merci pour l’article. Pourrait-on avoir un lien vers l’article publié dans Nature ?
Le 16/06/2021 à 19h06
Twitter(“You say dust.
I say the remains of my enemies.”)
Le 16/06/2021 à 20h12
Le 18/06/2021 à 03h41
Attends, y’a un truc là qui me fait légèrement tiquer :
Tu veux dire en fait que, euh… comment dire… sauf votre respect, Monsieur le Procureur… que l’étoile… pète ?
…Ben fallait l’dire plus tôt ! Pourquoi ils appellent pas chat, un chat, les scientifiques ?
Le 18/06/2021 à 06h52
Le 18/06/2021 à 12h54
« Dans l’espace, personne ne vous entendra péter… »
Le 18/06/2021 à 13h00
Même que si elle enflammait ses pets, il y aurait eu un flash lumineux qui aurait perturbé tout autant les astronomes
Le 18/06/2021 à 13h04
Le 19/06/2021 à 14h00
Pris en flagrant délit à des centaines d’années lumière, c’est quand même pas de chance, comme quoi on est jamais en sécurité !
Le 20/06/2021 à 08h00
Le 21/06/2021 à 07h42
Blague à part, tout ça est passionnant.
L’humain existera t’il assez longtemps pour percer tous les mystères de l’univers ?
On peut se poser la question…