Projet CAMALIOT : l’ESA s’inspire de SETI@home pour améliorer les prévisions météo
Conclusion : s’il ne pleut pas, il fait beau
CAMALIOT, ou appliCAtion of MAchine Learning technology for GNSS IOT Data Fusion (oui, c’est parfaitement logique), est un projet de l’Agence spatiale européenne lancé il y a tout juste un an. Le but : « recueillir des données à partir de satellites pour la recherche scientifique dans les prévisions météorologiques », entre autres choses.
Le 29 mars 2022 à 13h49
7 min
Droit
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Avec son application CAMALIOT, l’ESA s’inspire du projet SETI@home. Il ne s’agit pas ici de partager de la puissance de calcul, mais de récupérer des données GNSS (positionnement par satellites) d’un maximum de terminaux. But de l’opération ? Améliorer les prévisions météo, la précision du positionnement par satellites et plus si affinité.
La campagne de récolte de données vient de débuter et tout le monde est invité à y participer avec un smartphone Android, à condition d’avoir la version 7 au minimum. Elle va durer quatre mois, jusqu’à fin juillet.
GNSS vs GPS vs Galileo… Avez-vous les bases ?
Avant d’aller plus loin un rappel important sur le Global Navigation Satellite System (GNSS). Comme son nom l’indique, il s’agit d’une technique de géolocalisation par satellite. On retrouve plusieurs constellations différentes sous cette appellation. Le plus connu est évidemment le GPS (Global Positioning System) américain, dont on utilise souvent l’acronyme à la place de GNSS. Il en existe en effet plusieurs autres, notamment le Galileo européen, le GLONASS russe, le BeiDou chinois, etc.
Les smartphones récents sont capables d’utiliser les satellites de plusieurs constellations. Plus le récepteur capte de satellites plus la précision de la localisation sera bonne. Certains modules sont « dual band » signifiant qu’ils sont capables de recevoir les données de deux fréquences différentes, augmentant ainsi la précision.
Toutes les constellations n’offrent d’ailleurs pas la même précision : Galileo par exemple se veut plus précis que le GPS américain. La précision peut aussi dépendre des usages civils ou militaires, et est plus grande dans le second cas. L’ESA explique que « l’accès à ces données GNSS brutes a également été rendu possible grâce au développement d’interfaces d’application dans les nouvelles versions du système d’exploitation Android, publiées depuis 2017 ».
Exemple de réception des données sur un smartphone dual band (f1 et f2).
Améliorer la météo, notamment sur les précipitations
Les signaux des dizaines de satellites GNSS en orbite ne servent pas uniquement pour de la géolocalisation, ils peuvent aussi être utilisés par les scientifiques pour des recherches qui peuvent paraitre surprenantes au premier abord, notamment afin « d’étudier l'atmosphère terrestre, les océans et les environnements en surface ». Cela n’a rien de nouveau et de tels dispositifs sont déjà en place depuis longtemps.
L’Agence spatiale européenne explique ainsi que « des dizaines de milliers de stations GNSS fixes enregistrent en permanence des données de navigation par satellite. Au fur et à mesure que les signaux des satellites descendent vers la Terre, ils sont modifiés par la quantité de vapeur d'eau dans la basse atmosphère, ce qui permet notamment de prévoir les précipitations ».
Ce n’est pas tout : les signaux de navigation par satellite peuvent également subir un phénomène de « scintillation » lorsqu'ils traversent l’ionosphère, qui se trouve entre 50 et 1 000 km d’altitude. Elle est largement en dessous des satellites géostationnaires utilisés pour le GNSS, qui sont eux aux alentours de 20 000 km.
Les conséquences peuvent être importantes, comme l’expliquait Mathias Paget dans cette publication de 2014 sur les effets de la scintillation ionosphérique sur les stations GNSS du Brésil : « Les effets ionosphériques sont significatifs même sous des conditions ionosphériques normales à des latitudes moyennes et en absence de taches solaires. Ils peuvent induire des erreurs sur les mesures allant de 0,5 m à une centaine de mètres ».
Un aspect collaboratif inspiré de SETI@home
L’Agence spatiale européenne explique que les terminaux équipés d’un récepteur dual band « peuvent compenser cet effet » en comparant les résultats obtenus sur les deux fréquences. Attention, tous les smartphones ne sont pas dual band, l’ESA propose une liste. Avoir un smartphone compatible avec une seule bande de fréquence n’empêche pas de participer au projet et d’envoyer des données.
« La combinaison entre les récepteurs Galileo dual band pour smartphone et de la possibilité sous Android d'enregistrer des données GNSS au format brut est ce qui a ouvert la perspective de compléter les données des stations GNSS fixes avec des dizaines de millions de smartphones, augmentant considérablement notre densité de couverture », explique Vicente Navarro, ingénieur navigation à l’ESA.
Il se lance dans une comparaison avec un autre système utilisant massivement les machines des particuliers : « Nous nous sommes inspirés de la célèbre initiative "SETI@home", où les ordinateurs des particuliers aident à rechercher des signes de vie extraterrestre ». Le projet est pour rappel en pause depuis mars 2020.
Toutes les données récoltées seront ensuite soumises à la moulinette d’algorithmes de machine learning avec comme but la « recherche de modèles inédits dans la météo terrestre et spatiale ». D’autres applications sont possibles, notamment pour l'amélioration des performances (et de la précision) des systèmes GNSS, ajoute le scientifique. On espère que les conclusions de ces recherches seront partagées avec la communauté et que tous les scientifiques pourront en profiter.
Afin de recevoir des données dans les meilleures conditions possibles, l’ESA demande aux personnes souhaitant participer de placer leur smartphone sur le rebord d’une fenêtre ou à un endroit avec une vue dégagée vers le ciel afin d’avoir la meilleure réception possible.
Il est aussi demandé de ne pas bouger et de laisser tourner l’application pendant un moment (toute une nuit par exemple) afin de détecter les moindres changements dans les signaux. Plus l’ESA aura de données, mieux elle pourra affiner ses modèles par la suite. Afin de motiver les troupes, un classement des meilleurs contributeurs est disponible par ici.
Pas de données personnelles, des données accessibles
Dans une foire aux questions, l’Agence spatiale européenne précise que les données récupérées par l’application CAMALIOT sont les suivantes : intensité du signal et distances par rapport aux satellites, phase de la porteuse et nombre de cycles (par satellite). L’ESA se veut rassurante sur la question de la vie privée : « Notez qu’aucune information personnelle telle que les noms d’utilisateur ou les e-mails n’est stockée avec les données GNSS, il est donc impossible d’identifier une personne ».
L’envoi de données n’est pas automatique et nécessite la création d’un compte. De votre côté, vous pouvez également télécharger vos données GNSS directement depuis l’application (sans avoir besoin de créer un compte), via l’icône en forme de nuage. De plus, ajoute l’ESA, « à l'avenir, vous pourrez accéder aux données collectées par d'autres à partir du portail GSSC », acronyme du GNSS Science Support Center, une initiative du Navigation Science Office de l'ESA visant à « favoriser la consolidation d'un centre de référence mondial pour la communauté scientifique GNSS ».
Projet CAMALIOT : l’ESA s’inspire de SETI@home pour améliorer les prévisions météo
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GNSS vs GPS vs Galileo… Avez-vous les bases ?
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Améliorer la météo, notamment sur les précipitations
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Un aspect collaboratif inspiré de SETI@home
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Pas de données personnelles, des données accessibles
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 29/03/2022 à 15h34
Prévoir la météo avec des signaux GPS…. C’est incroyable quand même.
Chapeau.
Le 30/03/2022 à 00h20
Peut-être aussi une inspiration de la détection de tremblements de terre grâce aux accéléromètres.
Même principe de traitement de données parallèle en grand nombre à partir de simples capteurs.
Là ce qui est fort c’est que comme la position de chaque satellite est connue à l’instant t, on peut avoir des stats sur des parcours directs. Et en recoupant les parcours entre les satellites et les terminaux on a une infinité de droites non parallèles, donc on peut en sortir une carto 3D.
Le 30/03/2022 à 07h13
La majorité des satellites de positionnement sont en dessous de l’orbite géostationnaire. Si j’ai de bon souvenir le principe même de leur défilement est un aspect utile au positionnement. Alors quels sont ces satellites géostationnaires utilisés?
Le 30/03/2022 à 10h13
C’est surtout que c’est un peu compliqué d’avoir un satellite géostationnaire au dessus des pôles.
Donc pour couvrir les zones éloignées de l’équateur, il faut des satellites à une autre orbite.
Galileo, GPS et GLONASS n’utilisent pas de satellites géostationnaires.
Beidou utilise 3 satellites géostationnaires et d’autres non stationnaires.
Et il y a d’autres services de géolocalisation qui en utilisent :
EGNOS, WASS et tout plein d’autres.
Le 30/03/2022 à 15h05
(c’est bien sûr vrai, mais j’ai rigolé en lisant cette précision)
Le 30/03/2022 à 15h16
Tu ne crois pas si bien dire… L’instrument RO (Radio Occulation), qui sera monté sur les satellites MetOp-SG en compagnie d’autres instruments, utilise justement les signaux GNSS pour fournir des profils de température et d’humidité de l’atmosphère.
Wikipedia.
https://directory.eoportal.org/web/eoportal/satellite-missions/m/metop-sg
=> Explications détaillées dans la partie “RO (Radio Occultation sounding mission):”
Le 01/04/2022 à 03h08
Dommage que ce genre d’applications pour de la recherche ne soit pas sous licence libre et avec un téléchargement sur F-Droid.
Il n’y a même pas un lien direct vers un APK. Pour faire avancer la recherche, il vous faut un compte Google …