[Tribune] Wikimédia France réclame une interdiction de la surveillance biométrique dans l’espace public
Reclaim your face
Le 10 mai 2022 à 08h47
5 min
Droit
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Dans une tribune publiée par Next INpact, Naphsica Papanicolaou, chargée de plaidoyer chez Wikimédia France, prône une « interdiction claire et simple » de l'utilisation des systèmes d'identification biométrique dans l’espace public. Un vœu exprimé dans le contexte du futur règlement européen sur l'IA.
Surveillance technologique autoritaire ou droits fondamentaux ? La décision devrait être facile à prendre. En Europe et dans le monde entier, l'utilisation de systèmes d'identification biométrique (SIB), tels que la reconnaissance faciale dans l’espace public, représente l'une des plus grandes menaces pour les droits fondamentaux et la démocratie que nous ayons jamais vue.
L'utilisation à distance de ces systèmes détruit l’anonymat en public et met en danger l'essence de nos droits à la vie privée, la protection des données personnelles, à la liberté d'expression, de réunion et d'association (conduisant à la criminalisation de la manifestation et provoquant un effet inhibitoire), à l'égalité et à la non-discrimination.
Sans une interdiction claire et simple de l'utilisation de ces nouvelles technologies dans les espaces publics, tous les lieux où nous exerçons nos droits et où nous nous rassemblons en tant que citoyennes seront transformés en sites de surveillance de masse où nous serons toutes et tous traités comme des suspects.
Des dégâts non hypothétiques
Les musulmans ouïghours ont été systématiquement persécutés par le gouvernement chinois à travers la reconnaissance faciale. Des manifestants pro-démocratie et des opposants politiques ont été réprimés ou pris pour cible en Russie, en Serbie et à Hong Kong par l'utilisation - et dans certains cas, par la simple crainte de l'utilisation – du SIB dans des espaces publics.
Il existe également déjà des preuves significatives que les résidents français et européens ont été systématiquement soumis à des pratiques de surveillance biométrique de masse. Il s'agit de cas dont les supporters de football, d'écoliers, d’usagers, d'acheteurs ou de personnes fréquentant les bars et les lieux de culte, LGBTQ+, sont ciblés et les préjudices sont bien réels et répandus.
Même certaines des plus importantes entreprises qui fournissent des systèmes de surveillance biométrique, telles que Microsoft, IBM et Amazon, ont adopté des moratoires de leur propre gré, en raison des risques majeurs et des dommages que ces systèmes pourraient causer. Dans la même lignée, Facebook a supprimé sa base de donnée contenant des images de visages.
Le besoin de régulation se fait sentir à travers toute l'Europe, et certains États membres ont déjà pris les devants : l'Italie a été le premier pays à introduire un moratoire sur la reconnaissance faciale dans les lieux publics. La coalition au pouvoir en Allemagne a appelé à un moratoire au niveau européen de la surveillance de masse utilisant des données biométriques et le Portugal a abandonné un projet de loi qui aurait mené à la légalisation de certaines de ces pratiques. Et le Parlement belge réfléchit à un moratoire sur la surveillance biométrique.
Pour une interdiction de la surveillance biométrique à distance dans l'espace public
Le projet de règlement européen sur l'IA est l'outil évident dont le Parlement Européen pourrait se saisir pour créer un cadre législatif cohérent dans la protection des données et libertés individuelles. L'UE est pionnière en matière de réglementation de l'IA, les règles édictées en Europe vont influencer les pratiques et les lois partout dans le monde.
Est-ce que l'Union Européenne va autoriser une technologie de surveillance de masse qui serait dangereuse pour nos libertés ?
Pour protéger les droits fondamentaux, la loi sur l'IA doit interdire toutes les utilisations à distance (c'est-à-dire la surveillance généralisée) de l'identification biométrique (RBI) dans les espaces accessibles au public en :
- étendant le champ d'application de l'interdiction à tous les acteurs privés ainsi qu'aux acteurs publics ;
- garantissant que toutes les utilisations de l'identification biométrique (en temps réel ou a posteriori) dans les espaces accessibles au public sont incluses dans l'interdiction ;
- supprimer les exceptions à l'interdiction, dont les évaluations indépendantes des droits de l'homme confirment qu'elles ne sont pas conformes aux normes européennes existantes en matière de droits fondamentaux ;
- mettre un coup d'arrêt aux formes discriminatoires ou manipulatrices de catégorisation biométrique ;
- traiter correctement les risques de la reconnaissance des émotions.
L'UE a pour objectif de créer un « écosystème de confiance et d'excellence » pour l'IA, et de se positionner en leader mondial d'une IA qui serait fiable et éthique. En régulant l'utilisation des données biométriques, nous aurions la possibilité de façonner l'IA pour qu'elle soit au service de la population, et non pas une technologie qui s'impose aux peuples.
C'est pourquoi nous devons faire en sorte que les amendements des comités IMCO et LIBE sur le règlement contiennent une interdiction de la surveillance de masse utilisant des données biométriques.
[Tribune] Wikimédia France réclame une interdiction de la surveillance biométrique dans l’espace public
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Des dégâts non hypothétiques
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Pour une interdiction de la surveillance biométrique à distance dans l'espace public
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 10/05/2022 à 09h02
Tout d’abord bravo à NXI pour publier à tous une tribune. De nombreux journaux en ligne le font derrière un paywall.
Ensuite, dommage d’exclure les citoyens de la protection demandée. Et tant pis pour vous si ça dérive dans les commentaires sur ce sujet, c’est vous qui avez utilisé une expression excluant la moitié des humains.
Pour finir, je soutiens globalement la demande d’interdiction.
Le 10/05/2022 à 09h34
Bon si on lit la phrase jusqu’au bout on peut lire :
“où nous serons toutes et tous traités comme des suspects.”
“Toutes et tous” ça fait bien allusion aux 2 sexes non ?
Dans la mesure où c’est une femme qui a écrit cet article, le fait d’employer le terme de “citoyennes” dans un premier temps n’a rien de choquant…
Si il avait été écrit “citoyens” je suis prêt à parier que tu n’aurais pas pensé que les femmes étaient exclues…
Le 10/05/2022 à 12h40
pour le coup des “citoyennes”, j’ai soupçonné un (ou deux) point·s médian·s d’avoir par inadvertance disparu du texte.
Le 10/05/2022 à 09h18
J’ai pas compris. Qui est la moitié exclue ?
Le 10/05/2022 à 09h24
Les hommes. Seules les citoyennes sont citées.
Je me suis posé aussi la question.
Le 10/05/2022 à 09h32
Ah effectivement. J’imagine que c’est une erreur. Je ne vois aucune raison d’exclure les hommes (ce n’est pas le genre de l’association).
Le 10/05/2022 à 09h20
Merci pour cette tribune.
Petite question au passage, je m’interroge sur le fait que Wikimedia France porte publiquement ce combat qui a première vue semble assez éloigné des missions premières de l’association (promouvoir les projets Wikimedia). Ca ne m’étonne pas que La Quadrature Du Net s’oppose à ce genre de projet et communique dessus, un peu plus pour Wikimedia France.
Dans le fond, je souscrit entièrement à ce qui est écrit par Naphsica.
Le 10/05/2022 à 09h27
+1
J’ai eu du mal à trouver de quoi tu parles…
C’est signalé ?
+1000
Je suis même étonné qu’on doive faire des tribunes pour la demander…
Le 10/05/2022 à 09h28
Wikimedia se politise et c’est pas un mal. Ils défendent/combattent les aberrations concernant le droit d’auteur et la liberté d’expression aussi.
C’est pas l’autre débile adulé de Musk qui ferait la moitié de ça.
Le 10/05/2022 à 09h33
Non, je sais que c’était volontaire et j’ai déjà signalé 2 points qui ont été corrigés sur cette tribune.
Ça s’appelle faire du lobbying et ce mot n’est pas forcément négatif contrairement à ce que pensent certains ici.
Le 10/05/2022 à 09h36
C’est pour ça que dans certaines mairies, on veut autoriser le port d’habit voilant complétement le visage : comme ça pas de reconnaissance faciale par une méchante IA.
J’ai tout faux ?
Le 10/05/2022 à 09h40
Non, c’est écrit au début (voir ma précédente réponse - je l’ai mis en italique).
Mais je pense que c’est un oubli plus qu’une volonté d’exclure.
Le 10/05/2022 à 09h47
Ça ne change rien. Je suis quasiment sûr qu’il n’y aurait pas eu de réaction s’il avait été écrit “citoyens”…
Pour moi le “toutes et tous” est plus important que le “citoyennes” qui est effectivement écrit avant dans la phrase.
Je précise que je suis un homme au cas où…
Le 10/05/2022 à 10h42
C’est un fardeau historique de la langue, malheureusement.
Quand on dit “Les humains” on parle des hommes et des femmes, alors que quand on dit “Les humaines” on ne considère que les femmes.
Je ne sais pas si d’autres pays ont des conventions différentes.
Le 10/05/2022 à 12h21
C’est très discuté (selon l’idéologie de chacun) mais une option est que le masculin se confond avec le neutre en français (position de l’académie). Il en hérite, favorisé par la vision misogyne des époques passées. La règle “le masculin l’emporte sur le féminin” serait plus un raccourci foireux.
Wiki
Le 10/05/2022 à 10h59
Wikimedia comporte une banque d’images
Le 10/05/2022 à 11h00
Les lieux de culte LGBTQ+ ?
J’avoue ça m’a fait rire
Le 10/05/2022 à 13h20
Oui, moi j’ai relu avant de comprendre qu’il manquait une virgule. Et, oui, c’est assez drôle comme c’était écrit.
L’autre point était une apostrophe manquante.
Le 10/05/2022 à 11h10
C’est sympa mais ça ne reste qu’un plaidoyer ; attention je ne préjuge en rien des qualités et de la pertinence de son auteure, c’est juste que les institutions feront comme d’habitude la sourde oreille…
Le 10/05/2022 à 13h17
C’est la formulation qui est foireuse, moi j’ai appris “on accorde au masculin”. Et ça change tout, personne ne “l’emporte”, on “s’accorde”.
Le 10/05/2022 à 13h29
Vivant à 100 mètres d’une gare de métropole, ce genre de tribune m’atterre. La menace de la vidéosurveillance dans un régime démocratique est très hypothétique, alors que les mecs qui me coursent, eux ils sont très concrets…
Jusqu’à preuve du contraire, l’IA n’est qu’un outil et non un juge. Nous avons tou•te•s le droit de ne pas avoir peur d’être seul•e dans la rue.
Quitte à jouer au néo-luddite, pourquoi ne pas interdire pro-activement l’usage des cartes perforées et des cartes vitales sous prétexte qu’elles peuvent causer un génocide ?
Le 10/05/2022 à 13h41
Ah ben oui, la sécurité, l’argument pour tout faire avaler !
Le tout en écriture inclusive
Et si je revendique le droit à ne pas être suivi en permanence par des caméras, qui plus est pilotées par des robots, et à mes frais en prime ?
Le 10/05/2022 à 15h47
C’est pour ça qu’il existe les caméras “normales”, non ?
Tu vas a la gendarmerie, et elle fait son boulot. On ne parle pas de supprimer toutes les caméras, mais bien de ne pas les doter d’IA nous traquant en temps réel. Nuance importante.
A priori, l’IA ne va pas faire tomber le plafond a dessus d’eux. Donc pour reprendre ton terme, il est tres hypothétique que cela change quoi que ce soit dans ton cas.
Le 10/05/2022 à 20h20
En France, en général, le “vidéo-protecteur” de la métropole surveille seul des centaines de caméras en même temps, caméras qui au final ne servent qu’à posteriori, et encore (“ah vous-vous êtes faite voler votre portefeuille ? désolée les enregistrement ne sont conservés qu’un mois, alors le temps de l’instruction…”). Des caméras en mode grand angle + chorégraphie en boucle… En somme du matériel souvent inutile faute de moyen humain derrière à l’instant T.
Dans les grandes villes chinoises, ça ne fonctionne pas comme ça. En haut d’un lampadaire on trouve souvent 3 cameras (2 grand angle + 1 à zoom parfois contrôlée par IA).
Si une personne se met subitement à courir ou est assise près de canettes (situations repérées automatiquement par l’IA), le “vidéo-protecteur” est immédiatement notifié et peut si il y a lieu prendre le contrôle d’un haut parleur pour procéder à un rappel à l’ordre, voire diffuser les images de la caméra sur un écran au coin de la rue.
(notons que le principe de l’écran de diffusion commence à se généraliser aux guichets administratifs en France ; de ce que je vois à mon guichet LBP, ça a changé les comportements du tout au tout.. ; je suppose que les seuls types sur lesquels c’est inefficace sont cagoulés).
La vidéo-protection ne diminue peut-être pas la délinquance, mais pour sûr, ça la déplace. Et si ça la déplace loin de mon centre-ville, j’adhère.
Le 11/05/2022 à 07h32
Eh bien vas donc en Chine et laisse-nous ce qui nous reste de liberté dans l’espace public.
Le 10/05/2022 à 16h56
Pour résoudre ton problème, il faut des policiers et gendarmes dans les rues, et pas derrière des écrans où s’affichent des images prises par des caméras et encore moins des caméras reliées à des systèmes de reconnaissance faciale qui n’empêchent personne de te courser.
Le 10/05/2022 à 14h38
Mais dans ce cas comment Jack Bauer fera-t-il pour sauver le Président et l’Amérique ?
Plus sérieusement, il y a une faille : l’interdiction éventuelle de la surveillance biométrique n’interdirait pas une surveillance éventuelle au moyen d’autres éléments d’identification de l’individu.
Exemple simple : la caméra filme la voiture jaune avec une plaque XX-123-XX. L’IA identifie cette plaque comme étant celle d’un personne fichée. Ce n’est pas de la biométrie, juste de la reconnaissance de texte (OCR). Cette personne sort de sa voiture, l’IA n’a plus qu’à suivre ses mouvements à l’image, sans avoir à utiliser le moindre élément biométrique d’identification (par exemple couleurs du manteau et du pantalon). Pareil encore plus simple si une caméra te filme en sortant de chez toi…
Bilan : une interdiction de la biométrie ne suffit pas à atteindre l’objectif visé par cette tribune. Ou autrement dit le danger pour les libertés, ce n’est pas la biométrie, mais la surveillance généralisée elle-même.
Le 10/05/2022 à 15h07
Merci pour ta réponse.
Personnellement, je reste convaincu que la suite de cette phrase (11 mots plus loin) où il est question de “toutes et tous” aurait du empêcher ces réactions pour le moins bizarres.
Bon, fin du débat en ce qui me concerne.
Le 10/05/2022 à 15h13
Euh, tu sais que c’est ce qu’utilise la police de Londres depuis la fin des années 90. Au départ avec des caméras embarquées dans les voitures et ça été généralisé dans l’espace publique.
L’utilisation d’une caméra est problématique, on se rappelle des débats pour les caméras dans les magasins mais maintenant tu en as partout en ville.
Petit rappel :
La biométrie regroupe : « l’ensemble des techniques informatiques visant à reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales ». Les données biométriques sont des données à caractère personnel car elles permettent d’identifier une personne. Elles ont, pour la plupart, la particularité d’être uniques et permanentes (ADN, empreintes digitales, etc.). Elles se rapprochent ainsi de ce qui pourrait être défini comme un « identificateur unique universel », permettant, de fait, le traçage généralisé des individus.
Il s’agit donc d’une question très sensible au regard des droits et libertés fondamentaux représentant juridiquement l’ensemble des droits primordiaux pour l’individu, assurés dans un État de droit et une démocratie. Ils recouvrent les droits de l’homme au sens large, les libertés publiques mais aussi de nouveaux droits comme les garanties procédurales retenues notamment au sein de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF, usuellement appelée CEDH) du 4 novembre 1950.
Le 10/05/2022 à 15h52
Euh, j’ai pas compris. La caméra seule est capable d’arrêter les mecs qui te coursent ? J’ai sûrement rater quelque chose. Pour apporter un peu au débat il a été démontré maintes fois que la vidéosurveillance n’a aucun effet sur la hausse ou la baisse de la criminalité (IA ou non)
Le 10/05/2022 à 17h47
et aussi celui d’être dans l’espace public sans être filmé/identifié/tracé électroniquement en permanence.
Le 11/05/2022 à 06h35
On se croirait un vendredi,
Sauf qu’on est en 2022,
Dix commentaires pour une faute de frappe
Le 11/05/2022 à 07h09
L’illisible écriture dite inclusive? Le truc qui classe direct le personnage et le commentaire qui touche le fond sur un sujet grave confirme.
Le 11/05/2022 à 08h30
Au contraire ça les décrédibilise.
Ca ok.
Procès d’intention.
Le 11/05/2022 à 09h40
Bravo Wikimedia, très belle et importante tribune sur le respect des droits fondamentaux. La lutte continue :)
Le 11/05/2022 à 10h13
Non, dans les années 90 les caméras n’étaient pas en HD, souvent même encore analogiques, et n’étaient pas reliées à une IA qui analyse les images en temps réel pour suivre les mouvements des gens. À l’époque, quand on pensait aux caméras et à la vidéosurveillance, on pensait à un bonhomme derrière un mur d’écran, et à ses limites humaines.
Quand je vois que tu écris que la biométrie « permettant, de fait, le traçage généralisé des individus »… tu te trompes : d’autres outils permettent le suivi des individus.
Dans l’exemple des magasins que tu cites, si le client paye autrement qu’en espèces, son paiement permet (technologiquement parlant) de de ré-identifier, et si une IA a au préalable construit un profil comportemental du client grâce aux caméras, cette ré-identification n’est pas biométrique, mais le traçage est quand même possible… sans aucune biométrie.
C’est pour éviter ce genre de confusions entre le moyen utilisé et l’objectif visé que la RGPD traite le profilage comme une finalité à part. Ici sur la surveillance il faut aller plus loin que l’interdiction d’un outil (la biométrie), et définir clairement le niveau de ce que l’on peu accepter/tolérer comme surveillance.
Pour moi ce n’est pas l’outil qui pose problème : prenons l’exemple d’un interphone biométrique, qui ouvre sa porte à Michel parce qu’il le reconnaît, et qui ne sonne pas quand le fils de la mère Michèle (du bout de la rue) passe et appuie sur le bouton pour la blague parce qu’il le reconnaît (le fils). Pour cela, il est nécessaire que l’interphone filme tous ceux qui passent à sa portée dans l’espace public, et qu’il effectue une reconnaissance biométrique des individus. Or, technologiquement (et aussi pour des raisons de propriété intellectuelle des algos etc.), il est peu probable que l’analyse d’image se fasse dans l’interphone lui-même, ce serait donc une utilisation à distance et une forme de surveillance généralisée de l’espace public. Si on centre le débat sur la biométrie (l’outil), on en arrive à poser la question « est-ce que la biométrie est inoffensive ou dangereuse ? » alors que si on centre le débat sur la finalité (l’interphone), on en arrive à poser la question « est-ce que l’amer Michel doit embaucher un chat concierge pour garder sa porte au lieu d’installer un interphone embarquant caméra, IA et reconnaissance biométrique des individus ? »
C’est à comparer avec les quartiers pavillonnaires surveillés (typiquement aux USA mais pas que), où il n’y a qu’une route d’accès, barrée et gardée par des vigiles : il y a bien surveillance généralisée de l’espace public par les gardes, non ? Si quelqu’un utilisait la biométrie pour faire la même chose (même finalité), est-ce trop dangereux pour être acceptable ?
Le 11/05/2022 à 13h57
Oui mais tu mets en parallèle un outil utilisé dans un cadre privé (dans un lieu publique ou non) et/ou dans un cadre étatique (dans un lieu privé ou non).
Je vais essayer de préciser déja je n’aime pas les caméras avec biométrie ou sans après je ne suis pas dans une interdiction totale. Mais à la base ça ne résouds pas les problèmes, au pire ça le déplace et/ou ça sert de pis aller pour le politique. Quant à réduire le nombre de policiers, qu’ils aient de meilleures taches, meilleures rotations des effectifs, etc… on se retrouve avec des policiers à surveiller des caméras pour que celle-ci ne soient pas vandalisées (sic). Et je me demande bien tout ce que l’on aurait pu faire avec l’argent pour toutes ces communes et villes de France ?
Dans le cadre de l’identification biométrique, il te faut un fichier comme on a un fichier des plaques d’immatriculation (encadré par la loi) mais là ça touche des individus et même ça demande de ficher tous le monde que tu es une voiture ou pas de voiture
Le 11/05/2022 à 15h21
Oui, et trop gens ont encore cette image mentale des caméras classiques, et n’envisagent pas assez toutes les possibilités offertes par les technos modernes d’analyse d’image. Des espaces publics sont déjà équipés de caméras, techniquement ça peut être utilisé à de mauvais desseins.
Tu as écrit ça à propos de la biométrie : « Elles se rapprochent ainsi de ce qui pourrait être défini comme un « identificateur unique universel », permettant, de fait, le traçage généralisé des individus. »
Là où c’est pas vrai, c’est que d’autres technologies que la biométrie permettent ce même résultat (traçage généralisé). Et donc se contenter de seulement interdire la biométrie pour empêcher le traçage généralisé ne marcherait pas.
Dans le cas de la voiture, la femme ou l’ami ou qui sais-je n’ont pas la même conduite, et ça doit bien pouvoir s’analyser. Genre comparer les positions sur la chaussée dans les virages, le délai d’utilisation des clignotants, etc. => des choses impossibles pour des humains, mais faisable par des IA sans utiliser la moindre info biométrique.
Ou alors plus simple encore, juste utiliser la position du smartphone, ça non plus c’est pas biométrique
Des technos existent pour re-créer un identificateur unique pas universel, mais il n’y a pas besoin qu’il soit universel pour suivre les gens.
Non, en fait personne même les autorités les plus totalitaires s’en fichent de seulement suivre les gens : ce qui est intéressant c’est ce qu’il font et pourquoi. Le suivi est juste une techno support de la surveillance et du profilage, mais ce n’est pas un support requis (c’est possible de faire du profilage et de la surveillance sans).
Il faudrait faire un tableau à colonnes (au moins 3), identifier tous les usages indépendants (qui sont dans une seule colonne), puis tous les usages transverses (plusieurs colonnes) et déterminer lesquels sont inacceptables pour les interdire.
Et tout ça est assez contre-intuitif, on pense plutôt à utiliser telle techno pour tel truc (donc ce que l’on voudrais “autoriser”), sans forcément trop penser aux dérives. Voir l’exemple de l’interphone qui permet de savoir à quelle heure le voisin promène son chien pour “visiter” son logement => c’est clairement un problème ! Même chose pour une voiture avec une caméra embarquée qui fonctionne aussi quand la voiture est à l’arrêt ; et pourtant je n’ai pas entendu parler d’homologation de ces caméras pour empêcher ce type d’espionnage…
Je ne fait pas trop la distinction entre les deux cadres (privé/étatique) puisqu’il y a déjà des caméras partout (sur tous les smartphones, tous les ordis portables), et quantité de possibilités pour des entités privées qui sont aussi effrayantes que si elles étaient étatiques. Par exemple Netflix, 200+ millions abonnés, que répondre s’ils proposaient en option pour réduire le prix de l’abonnement non pas uniquement des pubs, mais aussi une analyse de nos réactions face à la pub grâce aux caméras ? Et si Facebook, 2+ milliards d’utilisateurs, se mettait à proposer de personnaliser l’affichage en fonction de l’attention de l’utilisateur, évaluée grâce aux caméras ?
Le raisonnement habituel direct du type “caméra -> police -> état -> totalitaire” n’est pas le seul danger, et là encore ce n’est pas forcément la biométrie le problème, ni la question d’espace privé/public, mais bien les finalités… et qui assure le traitement informatique (données, algos, IA, stockage).
Interdire la biométrie totalement empêcherait les 2 exemples ci-dessus, mais aussi toute possibilité de déverrouillage d’accès autre qu’avec des mots de passe… (ou alors on en revient aux puces implantées sous la peau ). Et ne l’interdire que dans les espaces publics n’aurait aucun iNpact sur ces 2 mêmes exemples ! À en croire certains auteurs de SF dystopique, cela pourrait peut-être même être pire, en affaiblissant trop les états face aux multinationales
Mais non, comme l’exemple du supermarché dont je parlais : l’identification peut se faire a posteriori avec des éléments qui ne sont pas biométriques et donc déjà dans un fichier existant. C’est justement une grosse différence par rapport aux plaques d’immatriculation, qui permettent d’identifier des voitures autrement identiques : les gens, eux, sont généralement différents (sauf les jumeaux, et encore…).
Le 11/05/2022 à 16h02
Merci pour ces excellents commentaires sur la problématique du profilage au delà de la biométrie. Je n’y avais jamais pensé comme ça. Il faut bel et bien élargir le champ du débat
Je souhaite bien du courage au législateur motivé par ces problématiques… Un RGPD total IRL, on en est loin, mais il va falloir sérieusement y penser.
Le 13/05/2022 à 11h37
Les musulmans ouïghours ont été systématiquement persécutés par le gouvernement chinois à travers la reconnaissance faciale. Des manifestants pro-démocratie et des opposants politiques ont été réprimés ou pris pour cible en Russie, en Serbie et à Hong Kong par l’utilisation - et dans certains cas, par la simple crainte de l’utilisation – du SIB dans des espaces publics.
Quelle bouffonnerie ! ces dictatures n’ont pas besoin de SIB pour persécuter des populations, demander donc aux tibétains !
Wikimédia France : connais pas.
Le 16/05/2022 à 12h34
Tout a fait puisque en français, le pluriel “citoyens” inclus aussi bien femmes que hommes.
En français le pluriel n’a plus de référence de genre (sauf précision). Il englobe tout le monde.
Soit dit en passant, en finir avec cette m… qu’est l’écriture inclusive serait une trés bonne chose.