Collectivisons/Convivialisons Internet : l’initiative de Framasoft pour l’émancipation des associations
Projets laqués
Le 19 octobre 2022 à 15h16
8 min
Internet
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L’association Framasoft revient avec un nouveau plan triennal et une série d’actions pensées cette fois pour les collectifs, en particulier les associations. Formation, hébergement, services, accompagnement, promotion : on vous détaille cette nouvelle campagne, baptisée « Collectivisons / Convivialisons Internet », ou… COIN / COIN.
L’association française s’est déjà fait connaitre via plusieurs campagnes de sensibilisation aux noms emblématiques. On se souvient de Dégooglisons Internet, qui visait la prise de conscience autour des alternatives aux GAFAM, ou encore des CHATONS, des hébergeurs éthiques. Logiciels libres, entraides et décentralisation étaient au cœur de ces campagnes. Peertube est un autre exemple de projet maison, avec dans l’idée un YouTube acentralisé, composé d’un maillage d’instances pouvant se référencer les unes les autres.
Pour autant, et en dépit d’un grand nombre de services maison entièrement basés sur des solutions libres, Framasoft n’a pas vocation à héberger les données de tous les Français. Certains services ont été coupés, d’autres ont atteint un plafond, et à chaque fois le message est le même : montrer par l’exemple ce qu’il est possible de faire. L’arrivée des CHATONS a d’ailleurs été l’occasion d’amplifier le message : vous pouvez le réaliser vous-mêmes, avec un hébergement éthique.
À chaque fois, l’association travaille par plan triennal. Après les précédentes campagnes, la nouvelle s’intitule donc Collectivisons / Convivialisons Internet et, contrairement aux autres, elle ne s’adresse cette fois pas à tout le monde. Ce nouveau plan COIN / COIN – un easter egg est caché dans la page de présentation – s’adresse avant tout aux collectifs, tout particulièrement aux associations qui pourraient avoir besoin d’un espace collaboratif. L’objectif est clair : s’émanciper du capitalisme de surveillance engendré par les GAFAM, axé sur les données personnelles.
Quatre actions seront entreprises au cours des trois années qui viennent, la première étant Frama.space.
Une instance Nextcloud spécifique pour les associations
Frama.space sera pleinement dévoilé le 15 novembre et nous aurons l’occasion d’y revenir avec Pierre-Yves Gosset, délégué général de l’association. Mais Pouhiou, codirecteur de l’association, a pu déjà nous en dresser les grandes lignes.
Il s’agira d’instances NextCloud dédiées aux collectifs. Framasoft estime actuellement que 200 pourraient être créées d’ici la fin de l’année, mais Pouhiou nous assure que l’infrastructure est prête « pour des milliers d’instance ». Le reste sera uniquement une question de budget, car les comptes créés seront gratuits, et l’ouverture sera « très, très progressive ». Ces espaces auront un stockage de 40 Go et pourront accueillir un maximum de 50 membres.
Au-delà de l’instance classique NextCloud et des outils trouvés d’ordinaire par défaut (synchronisation des agendas, contacts, notes…), les associations pourront se servir d’une suite bureautique (à choisir entre LibreOffice et Collabora Online), ainsi que d’outils plus spécifiques, comme un forum, une documentation pour la prise en main, des moyens pour faciliter la mise en relation entre voisins de service. Certains services sont à l’étude et dépendront des retours, comme un équivalent de Pages Facebook pour la vie de la communauté ou encore des outils de comptabilité.
Les collectifs recevront une adresse du type moncollectif.frama.space et auront également à disposition des outils de visioconférence, de discussion ou encore de kanban. Puisque le rôle est de leur donner une pleine autonomie, les collectifs gèreront eux-mêmes ces instances. Par exemple, puisque 40 Go sont fournis sans dépassement possible, il faudra choisir avec soin qui a droit à quoi. Pouhiou nous indique à ce sujet que les ressources d’autoformation sont prévues pour que les choix soient éclairés.
Framasoft promet d’écouter soigneusement les retours et prévoit déjà de faire évoluer son outil au cours des prochains mois et années. Des enquêtes seront envoyées de temps à autres aux bénéficiaires pour demander leurs avis et besoins.
Emancip’Asso
Ce deuxième plan d’action vise à créer un lien entre les CHATONS et les associations. Comme nous l’explique Pouhiou, l’arrivée des CHATONS il y a quelques années a montré l’existence d’une barrière entre les uns et les autres. Les CHATONS ne savent ainsi pas toujours comment aborder les besoins particuliers du monde associatif, tandis que ce dernier ignore souvent l’existence des premiers.
Emancip’Asso veut donc établir un lien, en priorité par une formation aux hébergeurs. Elle se tiendra à Paris et sera gratuite, avec cette idée de « monter en compétence face aux besoins des associations », nous dit Pouhiou. « Il faut qu’ils puissent par exemple comprendre que le financement des associations est parfois complexe, pour proposer des solutions adaptées, faire un état des lieux de leurs pratiques numériques, monter avec elles un projet adapté de transition numérique, etc. ».
Ce projet, organisé en partenariat avec le réseau Animafac de 5 000 associations étudiantes, aboutira sur le recensement des hébergeurs capables de proposer des offres sur mesure aux associations. Elles seront affichées directement sur le site emancipasso.org, afin que les associations puissent trouver chaussure à leur pied. Elles pourront également publier de petites annonces pour exprimer des besoins spécifiques, qui permettront la mutualisation du financement si les concernées s’accordent sur ce point.
Et puisqu’il s’agit de Framasoft, la formation sera enregistrée en vidéo et servira de base au deuxième module du MOOC CHATONS, dans l’idée que d’autres hébergeurs se lancent sur ce créneau. Framasoft fera la promotion de cette formation en ligne et lors d’interventions, surtout quand elles auront lieu auprès d’organisations accompagnant déjà les associations.
ECHO Network, un projet européen autour de l’éducation populaire
Le nom de ce troisième projet signifie « Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network ». Il désigne également un réseau rassemblant sept structures réparties en Europe : Framasoft, Céméa France (Centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active), Céméa Belgique, Céméa Federzione Italia, Willi Eichler Academy (Allemagne), Solidar Foundation (réseau européen), Centar Za Mirovne Studije (Croatie).
Tout est à nouveau question d’émancipation, cette fois dans l’accompagnement de ces structures qui participent à plusieurs types d’éducation : populaire, active, nouvelle… Puisque les GAFAM sont souvent très bien placées dès qu’il s’agit de communication, ECHO Network veut montrer qu’il est possible de faire autrement.
Surtout, le réseau vient poser des questions, certaines philosophiques, d’autres beaucoup plus pratiques, autour des libertés sur le web, dans l’option de développer un argumentaire commun auprès du Parlement européen.
Il y aura donc deux phases, dont la première visera l’exploration de ces questions pour les membres du réseau. Il y aura d’abord un séminaire d’ouverture à Paris, suivi de visites d’étude dans les quatre autres pays.
« Les enjeux du numérique pour les membres du réseau » sera la première thématique abordée en France. Puis viendront « les réseaux sociaux centralisés chez les jeunes » en Allemagne, qui pose la question : « outils d’émancipation ou d’aliénation ». Puis viendront les pratiques d’éducation nouvelle pour sensibiliser aux outils éthiques, en Belgique, l’utilisation du numérique entre présentiel et distanciel en Italie, puis l’inclusivité et l’accessibilité du numérique en Croatie.
En 2024, deuxième phase : les membres du réseau produiront des ressources que d’autres associations devront pouvoir facilement s’approprier quand elles se posent les mêmes questions. ECHO Network devrait alors proposer une liste complète des acteurs existants dans chaque pays, ainsi qu’une autre pour toutes les ressources d’éducation populaire à la transition numérique.
Une nouvelle orientation pour Peer.Tube
Peer.Tube est l’instance peertube de Framasoft, à ne pas confondre avec le logiciel lui-même. L’instance avait été créée pour – encore une fois – montrer l’exemple.
Depuis, elle sert surtout pour du « featuring », c’est-à-dire pour présenter un contenu ayant fait l’objet d’une sélection et d’un tri (curation). Elle sert de vitrine pour des vidéos jugées importantes, parce qu’elles abordent des sujets chers à Framasoft, les logiciels libres, certaines thématiques scientifiques, etc.
Ce comportement sera renforcé l’année prochaine, dans l’optique d’apporter une première réponse à la question « Comment faire pour trouver des contenus intéressant sur PeerTube ? ». Cette curation sera entretenue et le nombre de contenus augmentera. Les paramètres de curation pourront d’ailleurs être récupérés par d’autres instances, pour être éventuellement appliqués à leurs propres contenus.
Dans le courant de l’année prochaine également, Peer.Tube permettra également à des créateurs et créatrices de contenu de trouver un hébergement s’ils ne parviennent à le faire ailleurs. Ces personnes pourront alors déposer une candidature.
Notez que ces quatre gros projets ne sont aujourd'hui que partiellement financés. La page de soutien à l'association a été mise à jour pour présenter une vue de synthèse des actions qui seront entreprises dans les trois années qui viennent.
Collectivisons/Convivialisons Internet : l’initiative de Framasoft pour l’émancipation des associations
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Une instance Nextcloud spécifique pour les associations
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Emancip’Asso
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ECHO Network, un projet européen autour de l’éducation populaire
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Une nouvelle orientation pour Peer.Tube
Commentaires (9)
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Abonnez-vousLe 19/10/2022 à 20h55
Merci pour l’article. Framasoft est à l’œuvre d’initiatives vraiment structurantes je trouve.
Sans avoir la prétention de révolutionner le monde, ils lancent des chantiers à portée/public volontairement limités mais clairs dans leur finalité et leur roadmap, surtout depuis quelques années.
Chapeau !
Le 19/10/2022 à 21h33
Je suis toujours impressionné par le travail de Framasoft. Il y a vraiment beaucoup de travail derrière et clairement un défi incroyable qui doit limiter leur sentiment d’accomplissement parfois (une goutte d’eau dans l’océan). Mon instance Nextcloud perso (pas autohébergée) me plaît et en asso ça aurait pu nous servir… Enfin Google était vachement efficace quand même. Mais surtout une petite structure c’est top.
C’est vraiment de l’excellent boulot en tout cas, je vais regarder pour les soutenir financièrement.
Le 20/10/2022 à 08h57
C’est clairement une super association
Le 21/10/2022 à 11h56
J’applaudis l’initiative “technique” de remplacer les services des GAFAM.
Mais je doute fortement de l’adoption par le grand public des services proposés. Et donc de l’adoption massive par les assos de ces services.
Personnellement, je ne me vois pas migrer l’asso dont je fais partie sur ce genre de plateforme. Je parie qu’on touche un bien plus large public avec un post sur FB/Twitter que sur “Mobilizion”.
Le 22/10/2022 à 09h02
Pour moi c’est le problème des produits libre et Open Source. Ils se cassent à faire des produits, pointe du doigt les GAFAM, et notamment le monopole de Windows, et beaucoup de libristes se plaignent de la part marginal de ses produits et en plus en se demandant pourquoi. Mais ils refusent eux même d’être populaire, préfère rester marginal plutôt que de devenir mainstream.
Ils refusent de tendre la main vers les utilisateurs, et restent avec leurs soft imbitable. C’est dommage car certain trucs pourrait être top, mais ils se pose pas la question de ce qui attirerais les gens, et préfère rester sur leurs trucs moches et antiergnomique.
pour que l’automobile et l’avion domine le 20e siècle il à fallu attendre que des mecs fou est l’ambition de rendre la chose attrayante, confortable et voir luxueuse. Sinon on en serait encore à la charrette.
Et là, le monde du libre il en est toujours à la charrette… Ça reste des solutions qui vise les porteur de chèche et écouteur de ZAZ.
Désolé, ça fait hater du libre, mais c’est pas du tout le cas. J’en ai juste marre de leurs discours. D’ailleurs l’interview de Pouhiou à propos de Peertube m’avait laissé assez perplexe.
Le 22/10/2022 à 11h50
Dans le cas de PeerTube et Mobilizon, Framasoft a fait appel à une ergonome / designeuse pour que les interfaces soient justement simples, jolies, efficaces…
Quant au logiciel libre en général, ça dépend vraiment des projets. Certains, comme GNOME, font vraiment de gros efforts sur ces questions.
Le 22/10/2022 à 10h03
Ca je dirais que c’est un autre problème que celui que je décrivais.
Ce que tu décris est je pense inhérent au fait que les alternatives libres sont des projets créés par des gens au profil “technique”.
Moi le premier, Je peux comprendre que quand on a une passion pour la technique et qu’on travaille bénévolement sur un projet, on n’a pas trop envie de s’investir dans autre chose que la technique. En particulier les aspects “chiants” comme l’étude d’usage, l’ergonomie, la documentation, la qualification I/O/P…
Il suffit d’aller sur github pour voir que les onglets wiki sont souvent vides, voir inexistants.
Le 22/10/2022 à 19h12
Sous un autre angle la technique est souvent une liberté déléguée.
Choisir entre une enveloppe en calque ou une enveloppe en kraft est à la portée du premier pékin venu et pourtant le développement du chiffrement est lacunaire.
Le problème étant qu’entre le libre ou le propriétaire la différence de code est imperceptible alors que les conséquences le sont.
Comme pour le climat parler du CO2 n’a pas de sens d’un point de vue de l’action : peu d’évolution sur les conséquences qui s’appliquent à chacun avant même de s’en rendre compte.
En revanche, remonter aux causes agissantes est toujours possible et là, en général, l’action atteint son but.
C’est en quelque sorte ce constat que substiuer un service ne permet pas nécessairement de sortir l’utilisateur de l’absence de liberté qu’il a acquise par habitude.
Aussi, la plus value du libre n’étant pas indispensable pour faire des campagnes de com’ ou mettre des personnes en relation d’un point de vue terminal les marchands ont encore toute liberté pour faire accepter des chartes ou licences objectivement non-conformes au droit des parties prenantes bien que répondant aux minimas d’usage attendus.
Souhaitons donc qu’un jour les marchands se fassent attaquer par l’université pour plagiat, mais, peu en sont digne.
Le 24/10/2022 à 12h36
C’est vrais, j’ai rebondi sur ton message et je suis parti plus loin.
Mais quand je vois Framasoft qui arrête pas de communiquer contre les GAFAM et qui après dis qu’ils veulent pas que leurs produits soit trop répandu. Il y’a clairement un problème, d’ambition ou autre.
Et plus globalement, je trouve que ce genre de soft oublie le plus important, l’utilisateur.