L’Assemblée va réguler les influenceurs
Un code promo pour votre PPL
Le 08 février 2023 à 13h51
6 min
Droit
Droit
Une proposition de loi transpartisane veut imposer des règles aux influenceurs. Elle sera débattue fin mars. Les députés ont réussi à convaincre le gouvernement, au départ réticent, qu’il fallait une régulation de ce secteur. Détail du texte et de ses évolutions probables.
Pour masquer leur impuissance sur les sujets numériques, les parlementaires se cachent souvent derrière une profusion législative. Pas moins de quatre lois sur le numérique seront à l’ordre du jour de l’Assemblée en mars.
La première, inscrite dans la niche du groupe Horizons, vise à instaurer une majorité numérique à l’âge de 15 ans pour s’inscrire sur une plateforme et à instaurer des obligations de réponse par les plateformes aux réquisitions judiciaires. Des règles qui risquent d’être redondantes, ces obligations étant déjà écrites dans la loi ou dans le code des postes et des communications électroniques.
La deuxième, qui sera débattue à l’Assemblée le 6 mars, vise à prévenir « l'exposition excessive des enfants aux écrans ». Principal moyen d’action prévu par ce texte : avertir les parents qu’il ne faut pas que leurs enfants abusent des écrans. Cela sera indiqué sur l’emballage du téléphone, dans les pubs télés et même sur le carnet de grossesse.
Pour lutter contre cette addiction aux écrans, la proposition demande même au gouvernement de lancer une plateforme… numérique. Si avec ça les parents mettent encore leurs bambins devant YouTube, ce sera à désespérer du respect de la loi. Pour les enfants qui continueraient à subir cette addiction, un troisième texte vise à garantir leur droit à l’image des enfants, dans les suites d’une loi déjà adoptée sur les enfants influenceurs.
Des propositions de loi contre les « influvoleurs »
La quatrième proposition de loi débattue, qui sera à l’ordre du jour fin mars, pourrait avoir un impact plus important. Elle vise à réguler le secteur des influenceurs. Au départ, le ministère de l’Économie était réticent à légiférer sur le sujet. Mais l’accumulation d’abus a suscité une avalanche d’articles de presse. Avec comme premier relai, le rappeur Booba qui s’est lancé dans une guerre contre les « influvoleurs » et leur première représentante, l’agente Magali Berdah.
Face à l’avalanche de scandales, plusieurs députés ont proposé leur texte. D’abord, il y a eu une proposition du député écologiste Aurélien Taché. Le socialiste Arthur Delaporte et le Renaissance Stéphane Vojetta ont également déposé leur texte. La proposition Delaporte a même été inscrite dans la journée de niche du groupe socialiste, qui aura lieu jeudi. En sixième position, il y a toutefois peu de chance qu’elle puisse être étudiée.
Mais les deux dernières initiatives se sont rejointes, puisque le groupe Renaissance a accepté de cosigner un nouveau texte porté par Delaporte. Une initiative transpartisane PS-Renaissance, inédite, qui donne plus de chances au texte : il sera inscrit à l’ordre du jour fin mars. Comme nous l’a indiqué Arthur Delaporte, le gouvernement devrait engager la procédure accélérée. Bercy vient aussi de lancer une consultation sur le métier des lanceurs, premier pas vers la régulation. Seul le RN a d’ailleurs remis en cause la nécessité de légiférer.
Le contenu de l’initiative transpartisane
En commission des affaires économiques mercredi dernier, Arthur Delaporte a souligné que ce phénomène des influenceurs était aussi récent que massif. Il comptabilise environ 150 000 influenceurs, à l’affluence et aux revenus très variables, allant du nano-influenceur (moins de 10 000 followers) au méga-influenceur (plus de 3 millions).
Tout autant que l’audience, ce sont les liens affectifs qui peuvent compter. L’objet n’est pas d’interdire les influenceurs, mais de stopper certaines dérives (vente d’arnaques, promotion de produits dangereux), et ce quel que soit le réseau utilisé (Instagram, Tik-Tok, Twitch, Telegram,…). Cette proposition est un point de départ, et devrait évoluer en fonction des différentes consultations.
L’article premier reprend la proposition de loi Delaporte. Il crée un statut d’influenceur dans le code de la consommation : « toute personne physique ou morale, qui, à titre onéreux ou en échange d’un avantage en nature, produit et diffuse par un moyen de communication électronique des contenus qui visent, à l’occasion de l’expression de sa personnalité, à promouvoir des biens, services, ou une cause quelconque ». Cette définition n’est pas encore stabilisée. Si le député tient à la notion d’ « expression de sa personnalité », d’autres parlementaires craignent que cette définition ne soit trop large (la page Facebook d’une entreprise ?). L’article 2 créerait un statut d’ « agent d’influenceur ». Les influenceurs basés à l’étranger, mais ciblant les Français, devraient désigner un représentant légal en France.
Ces influenceurs auraient l’obligation d’informer le public du fait qu’un message est sponsorisé. Ils devront également être transparents sur le fournisseur d’un bien, une manière d’être clair en cas de dropshipping. Il leur serait également interdit de sponsoriser certains produits (dispositif de santé ou de chirurgie esthétique, trading à haut risque, alcool, paris sportifs), d’autres étant plus strictement encadrés (formation professionnelle)
Les articles 3 et 4 proviennent de l’initiative du député Stéphane Vojetta. Ils visent à responsabiliser les plateformes. Ces dernières devront permettre le signalement de publications illicites d’influenceurs, et éventuellement bloquer certains contenus. Interrogé par Next INpact, Stéphane Vojetta indique que ces dispositifs pourraient évoluer. « Je veux surtout une uniformisation de la réaction des plateformes vis-à-vis des contenus problématiques. Cela peut passer par différents outils, comme une charte de bonne conduite ». Ce texte devra aussi s’intégrer au DSA.
Enfin, l’article 5 intégrerait la notion de sensibilisation contre les risques d’escroquerie en ligne dans la formation aux risques numériques dispensée dans les établissements scolaires. Une disposition plutôt déclaratoire.
Les deux députés soulignent l’évolution de Bercy sur ce sujet. Pour Arthur Delaporte, « il faut mettre fin à la loi de la jungle et encadrer les pratiques commerciales. Il y a des initiatives venues de députés de plusieurs groupes, comme Aurélien Taché, Nadège Abomangoli, François Piquemal ou Virginie Duby-Muller. Il est bien que nous travaillions ensemble ». Pour Stéphane Vojetta, « Bercy a été mis face aux réalités et a dû répondre aux demandes des parlementaires et aux attentes des consommateurs. Il y a une attente populaire importante de la population ».
L’Assemblée va réguler les influenceurs
-
Des propositions de loi contre les « influvoleurs »
-
Le contenu de l’initiative transpartisane
Commentaires (22)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 08/02/2023 à 13h54
Toujours plus de loi… et aucun moyen pour faire appliquer celle déjà existante…
Le 08/02/2023 à 14h08
C’est bien que cela soit enfin encadré, j’espère que des sanctions tomberont quand les manquements seront avérés.
Cela à mis trop de temps vu l’influence que peuvent avoir ces personnes.
Le 08/02/2023 à 14h08
Le problème des influenceurs, ce n’est pas eux, mais leur audience crédule…
La racine : l’éducation, l’esprit critique, l’information…
Comme d’hab, de la rustine, mais jamais de reflexion de fond (comme les retraites tiens).
Le 08/02/2023 à 14h56
Et qui va contrôler les trans-partisans du gouvernement?. Quand on “sait” qu’ils ont tous de multi conflits d’intérêts permanents.
Le 08/02/2023 à 15h31
Ben, le trans-partisans de l’opposition qui veulent être les prochains trans-partisans aux commandes.
C’est bien leur boulot, non ?
Le 08/02/2023 à 15h27
Les influenceurs sont irresponsables et c’est toujours de la faute de la victime.
Il serait effectivement grand temps de remettre de l’ordre dans tout ça.
Le 08/02/2023 à 15h48
c’est bien.. enfin, probablement
Mais on va pas se heurter encore et toujours au problème international pour les faire appliquer ?
Déja que le gouvernement a réduit le nombre de fonctionnaires à la DGCCRF pour faire nos contrôles (quels que soient le sujet: je travaille sur l’un d’eux actuellement mais c’est vaste) je sais pas si la CNIL ou autre organisme aura les moyens de faire les vérifications nécessaire, quand les réseaux sociaux vont arguer qu’ils n’agissent que selon leur propres règles
Le 09/02/2023 à 06h27
Pour le coup je doute que les influenceurs hors France soient un problème massif. Il existe oui. Mais pour l’immense majorité de Français, le « danger » vient des influenceurs qui parlent français.
Reste l’option d’avoir une entreprise déclarée à l’étranger et d’avoir une audience française en parlant français. Mais si tu joues à ça tu tends le bâton pour te faire dégager des plateformes à la demande de l’Etat. Et quand ton business est basé sur une communauté durement acquise (les bots rapportent pas trop d’argent…), tu prends vraiment pas le risque de te faire bannir de quoi que ce soit.
Le 09/02/2023 à 10h16
De ce que j’en ai lu, un nombre important de problèmes “d’influvoleurs” vient de français installés dans certains états étrangers qui les attirent pour également assurer la promotion touristique (voire d’image générale) du pays… Dubaï entre autre… Du coup, oui, le problème est aussi hors France.
Le 08/02/2023 à 18h32
bizarre qu’ils n’aient pas proposé un numéro vert
Le 08/02/2023 à 19h21
influenceur: quel vilain mot connoté négativement, et pourtant certain aspirent à faire ce “métier”.
il est dans mon top 5 des métiers chelou,…pas trés loin de “agent de personnalité de téléréalité”
Le 08/02/2023 à 23h07
il serait temps… toujours 5 trains de retards… et en faisant appliquer les dites lois, ça serait bien aussi !
Le 09/02/2023 à 07h20
Article intéressant mais le ton sarcastique du début semble plus adapté à un blog personnel qu’à un article de journalisme de nextinpact.
Le 09/02/2023 à 09h47
Je ne suis vraiment pas persuadé par le fait de créer encore un lot de nouvelles loi aussi spécifiques sans appliquer les existantes.
Les “influenceurs” ne sont jamais que des publicitaires plus ou moins scrupuleux, et il existe déjà des lois pour réguler la publicité, notamment l’interdiction de certaines catégories de produit. Ne pourrait-on pas simplement leur appliquer ces lois, quitte à ajouter de nouvelles contraintes pour tout métier publicitaire (i.e. préciser lorsque c’est une publicité, devoir d’information sur les risques du produit présenté, etc) ?
Ajouter des lois spécifiques, c’est complexifier pour rien et ouvrir la porte à de nouveaux contournement (“ha non, moi je ne suis pas influenceur, je suis xxxxx donc ça ne s’applique pas”).
Le 09/02/2023 à 14h48
Tout à fait, ce sont juste des agents publicitaires au même titre que les panneaux d’affichage sur la voie publique, donc à traiter comme tels.
Le 10/02/2023 à 06h24
Une partie du texte vise justement à encadrer ce type de publicité (transparence, interdiction de certains produits)
Sur l’autre (la régulation des plateformes), cela semble effectivement plus complexe, le DSA existant déjà.
Le 09/02/2023 à 10h23
J’ai du mal avec la définition d’un influenceur, c’es quelqu’un qui vante des produits pour lequel il est tout le temps rémunéré ?
Je veux dire, un youtubeur qui fait une vidéo sponsorisée (genre on lui donne le produit gratos), c’est un influenceur ?
Le 09/02/2023 à 10h55
Vu qu’il s’agit d’une personne ayant la capacité d’influencer les choix d’une communauté qui lui est réceptive, j’aurais tendance à lui apposer comme synonyme : “gourou d’une secte”.
Sinon prostitué pour publicitaire ça marche plutôt bien aussi.
Le 09/02/2023 à 12h54
Quand ton seul pouvoir c’est de taper avec un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous.
Le 09/02/2023 à 21h19
==>>
Le 10/02/2023 à 12h50
Comme c’est beau !
Le 14/02/2023 à 14h14
Intéressant, il aurait été judicieux d’expliquer le terme “influvoleur”, apparemment inventé par Booba pour dénoncer les influenceurs arnaquant leur communauté, notamment avec des produits hors de prix en dropshipping.
AMHA ça va être compliqué, tant qu’il n’y a pas de tromperie, à réguler.